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LA TERREUR EN BRETAGNE.

La nuit était close depuis long-temps, le ciel obscur et le vent froid. Mes deux compagnons commençaient à se plaindre de notre campement et à frapper la terre avec mauvaise humeur de leurs grandes bottes, quand un bruit régulier de pas se fit entendre sur la route. On distingua bientôt un cliquetis d’armes, et nous reconnûmes enfin des uniformes à la lueur des étoiles. Les deux gendarmes regagnèrent alors avec moi la lisière du fourré ; un qui vive ! fut échangé, et quelques hommes se détachèrent de la troupe armée pour s’avancer vers nous. Je reconnus parmi eux le procureur-syndic et l’étranger que j’avais déjà rencontré à Lamballe ; je demandai assez vivement au premier ce que l’on me voulait, et pourquoi j’étais arrêté.

— C’est moi qui en ai donné l’ordre, dit l’étranger.

— Et de quel droit ? répondis-je brusquement.

— Je suis le citoyen Morillon, agent du conseil exécutif.

Le syndic prit alors la parole

— Le citoyen commissaire est chargé d’une fouille importante dans le château de La Hunaudaie, dit-il ; ta conversation avec Launay lui a fait craindre que tu n’eusses des rapports avec les Guyomarais, et que tu ne leur donnasses l’éveil.

— Je ne connais point les Guyomarais, et je ne me rends point chez eux.

— Où vas-tu alors ?

— Chez le garde-forestier.

— Et pour quelle affaire ?

— Pour un achat de bois.

Le citoyen commissaire prit à part le procureur-syndic, et tous deux parurent se consulter ; enfin, après un court débat, Morillon se tourna vers moi.

— Je veux bien croire que tu es un vrai patriote, dit-il ; mais tu connais les chemins de la forêt sans doute, puisque tu allais sans guide.

— Je les connais.

— Et tu ne refuseras pas, je pense, de prendre part à notre expédition ; nous pouvons avoir besoin d’un homme qui ait pratiqué le pays, et en tout cas deux bras de plus sont toujours utiles.

— Je suis prêt.

— Alors, vive la république ! et en avant.

Je me plaçai en tête de la troupe avec le commissaire, le procureur-syndic et le juge de paix qui les accompagnait. J’avais fort bien compris que l’invitation du citoyen Morillon était un ordre et prou-