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Hérat. Les motifs ne manquaient pas sans doute pour entreprendre cette expédition ; les deux ministres anglais qui se sont succédés à la cour de Perse, M. Ellis et M. Mac-Neill (depuis sir John Mac-Neill), avaient été forcés d’admettre la légitimité de ces motifs. M. Ellis, dans son rapport du 17 avril 1836, s’exprimait ainsi : « J’ai eu une audience du shah aujourd’hui ; sa majesté m’a fait observer que, comme roi et musulman, les plus fortes raisons lui faisaient un devoir de marcher sur le Khorassan ; que Kamran-Mirza (c’est ainsi que les autorités persanes affectaient de le désigner), et les Afghans sous ses ordres avaient enlevé douze mille sujets persans qu’ils avaient vendus comme esclaves, et avaient forcé le chef de Khaïn, également sujet de sa majesté, de payer tribut à Kamran, etc. » M. Ellis avait déjà reconnu auparavant que le prince Kamran avait manqué aux engagemens pris envers la Perse, et dont les principales stipulations étaient de raser le fort de Ghorian, de renvoyer certaines familles en Perse, et de payer dix mille tomans au roi. « Le shah, disait M. Ellis, est conséquemment en droit d’exiger satisfaction par la force des armes, et, dans ces circonstances, quand bien même le gouvernement anglais ne serait pas lié par l’article 9 du traité existant[1], qui lui interdit toute intervention entre les Persans et les Afghans, il paraîtrait difficile de s’opposer à une attaque contre Hérat, ou de définir la limite exacte où devrait s’arrêter cette opposition. » M. Mac-Neill, qui succède à M. Ellis, reconnaît plus clairement encore, dans sa dépêche à lord Palmerston du 24 février 1837, les justes motifs qu’a la Perse de déclarer la guerre au prince Kamran :

« Mettant de côté les prétentions de la Perse à la souveraineté d’Hérat, et considérant la question comme élevée entre deux souverains indépendans, je suis porté à croire qu’on trouverait que c’est le gouvernement d’Hérat qui a été l’agresseur. À la mort d’Abas-Mirza, quand le shah actuel revint de son expédition infructueuse contre Hérat, des négociations s’ouvrirent, et le résultat fut la conclusion d’une convention qui fit cesser les hostilités et marqua les limites des territoires respectifs. De cette époque jusqu’au moment actuel, la Perse n’a commis aucun acte d’hostilité contre les Afghans ; mais, à la mort du dernier shah, le gouvernement d’Hérat fit des incursions sur le territoire persan de concert avec les Turkomans et les Ha-

  1. L’article 9 du traité de la Perse (25 novembre 1814) est conçu ainsi qu’il suit : « En cas de guerre entre les Afghans et les Persans, le gouvernement anglais n’interviendra auprès d’aucune des parties, à moins que sa médiation n’ait été sollicitée par toutes deux dans le but d’amener la paix. »