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AFFAIRES DE L’AFAGHANISTAN.

bituelle au souverain. Les chefs de Kandahar, de leur côté, menaçaient sans cesse Hérat d’une invasion prochaine.

Il est nécessaire d’ajouter un dernier trait à ce tableau. L’infortuné Shah-Shoudjâ, avec plus de persévérance que de jugement, au travers de mille dangers, d’humiliations, de fatigues et de misères de toute espèce, s’était efforcé, à diverses reprises, de ressaisir, aux mains des usurpateurs, les tronçons d’un sceptre brisé. Le gouvernement suprême des Indes anglaises avait assisté, avec son humanité impassible, au triste spectacle de cette longue agonie. La dernière tentative du royal exilé eut lieu, avec l’assentiment du gouverneur général, en 1833-34 ; elle faisait le sujet de toutes les conversations dans le haut Hindoustan, où nous nous trouvions à cette époque. Comme précédemment, le gouvernement anglais resta spectateur de la lutte, qui fut, cette fois, assez sérieuse et d’assez longue durée, mais qui se termina d’une manière aussi désastreuse que les expéditions antérieures. Il en eût été autrement sans doute, si les Anglais eussent pensé dès-lors avoir un intérêt réel ou immédiat au rétablissement de Shah-Shoudjâ sur le trône de l’Afghanistan. Un secours modéré en hommes (surtout en officiers) et en argent eût suffi, selon toute apparence, pour assurer son triomphe. Il est permis de penser, en voyant ce qui se passe aujourd’hui, qu’il eût été à la fois plus honorable pour le gouvernement anglais, et plus conforme à ses véritables intérêts, de soutenir franchement et activement, en 1834, la cause qu’il a épousée avec une sympathie si inattendue en 1838. Il en eût coûté peut-être bien des millions de moins à l’Angleterre, et son attitude politique eût été, selon nous, plus forte encore et surtout plus digne qu’elle ne l’est aujourd’hui. Cette occasion fut manquée. Shah-Shoudjâ rentra à Loudiana, au mois de mars 1835, avec une centaine d’hommes, débris de la petite armée qu’il avait conduite jusque sous les murs de Kandahar. Les Amirs de Sindh l’avaient aidé dans cette expédition aventureuse ; ils le secoururent dans sa retraite précipitée, et lui facilitèrent les moyens de regagner le territoire de la compagnie, où il fut accueilli par le reproche que lui fit la presse anglaise d’avoir survécu à sa défaite[1].

Tel était donc l’état des choses, quand le roi de Perse résolut de châtier un vassal insolent qui, depuis plusieurs années, pillait et ravageait les territoires du Khorassan et du Seistan avec impunité, marcha en personne contre Shah-Kamran, et mit le siége devant

  1. Gazette de Delhi, 1er  avril 1835.