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invoqués dans cette circonstance pour motiver les actes du gouvernement anglais, paraissent, il faut en convenir, en contradiction avec ces actes eux-mêmes. L’application insolemment capricieuse de ces principes est ici par trop manifeste, surtout en ce qui touche les droits de Shah-Shoudjâ, et la conduite si cruelle, selon le gouverneur-général, de la Perse envers le prince d’Hérat. La presse libérale dans l’Inde et en Angleterre n’a pas épargné lord Auckland à cet égard. Le blâme, le sarcasme, sinon l’injure, lui ont été prodigués. On a condamné la résolution prise de replacer Shah-Shoudjâ sur le trône ; on a critiqué ensuite les moyens d’exécution de cette grande mesure ; on ne manquera pas de se plaindre des résultats. Chez nos voisins, rien de tout cela ne doit étonner, et il se passe bien, de temps à autre, quelque chose d’analogue chez nous ; mais, à examiner de près cette grande affaire d’Orient, il nous semble que la gloire et les intérêts de l’Angleterre n’ont pas eu à souffrir de la détermination prise par lord Auckland, et si le langage du gouverneur-général, dans le manifeste que nous venons de lire, manque un peu de franchise dans les détails, il ne manque certainement, au total, ni de dignité, ni de force. Nous irons plus loin, et nous ne craindrons pas de dire que jamais homme dont les résolutions devaient influencer les destinées d’un grand empire, n’a pris son parti plus à propos et avec plus de vigueur, n’a avoué plus hautement et plus distinctement ses amitiés ou ses haines politiques, et proclamé enfin avec plus d’indépendance ses motifs et son but.

Au moment où lord Auckland annonçait ainsi la chute prochaine des princes Barekzaïs et la restauration du shah de Kaboul, les immenses préparatifs de l’expédition s’achevaient entre la Djamna et le Sutledje. Tous les corps destinés à former l’armée de l’Indus avaient été portés au grand complet. Le rendez-vous indiqué pour les troupes du Bengale était à la station de Karnaul, au nord de Delhi, et de là elles devaient marcher sur Firozepour, aux bords du Sutledje, et s’y concentrer. Le corps d’armée du Bengale se composait dans l’origine de cinq brigades d’infanterie, de trois régimens chacune, partagées en deux divisions ; d’une brigade de cavalerie et d’une d’artillerie ; en tout 15,000 hommes environ, dont trois mille Européens. Des arrangemens subséquens le réduisirent à 12,000 hommes.

Le corps d’armée levé pour le service particulier de Shah-Shoudjâ, dans le nord, s’était formé à Loudiana et se composait de 2,000 hommes de cavalerie, 4,000 hommes d’infanterie et une compagnie d’artillerie à cheval en tout environ 6,000 hommes commandés par des