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pendant si long-temps, en ont eu plus du double par jour à leur disposition ! D’ailleurs ils sont Afghans, le sang des Barekzaïs coule dans leurs veines, et se révolte sans doute à l’idée de se rendre, pour ainsi dire, à discrétion, quand il leur reste peut-être encore des moyens, sinon de salut, au moins de résistance. L’avenir nous apprendra ce que les chefs fugitifs auront résolu en recevant les propositions de M. Macnaghten. Au reste, il ne faut pas prendre, selon nous, dans un sens absolu, tout le mal que les Anglais ont pu dire, ou penser de ces chefs. La tribu des Barekzaïs est une des plus puissantes est des plus honorées de l’Afghanistan. Elle a produit plus d’un homme de cœur et de tête, plus d’un ministre, plus d’un guerrier. Les chefs de Kandahar ont, sans aucun doute, tous les vices de leur race, et probablement à un haut degré ; mais ils en ont aussi les vertus. Ils sont braves, intelligens dans les affaires, généreux envers leurs alliés, leurs cliens, leurs serviteurs ; hospitaliers envers les étrangers. Plus d’un voyageur anglais a été reçu en ami par eux, comblé d’égards, d’attentions, de soins ; protégé dans sa personne et ses bagages en traversant leur territoire. Nous en avons les preuves sous les yeux, et, tout en reconnaissant que la civilisation européenne fera, selon toute probabilité, du bien à l’Afghanistan, même en s’y introduisant brusquement et les armes à la main, nous pensons qu’elle a plus à gémir qu’à s’indigner et qu’elle ne doit pas s’étonner si elle n’est pas comprise tout d’un coup par des hommes comme Rahem-dil-Khan et ses dignes frères, ou même par la génération qui les suivra. Nous croyons, au reste, avec M. Macnaghten, que Shah-Shoudjâ-Oul-Moulk est mille fois plus digne de régner sur l’Afghanistan que les Serdars Barekzaïs de Kandahar ou de Kaboul ; mais nous soutenons aussi, à part les considérations politiques qui ont déterminé les Anglais à prendre si chaudement le parti de Shah-Kamran contre la Perse et les princes Barekzaïs, que ces derniers, aux yeux de tout homme civilisé et de tout juge impartial, méritaient plus de considération et d’égards que ce petit roi d’Hérat, dont les dangers avaient excité si inopinément les sympathies britanniques. Ce Kamran, qu’un journal représentait tout dernièrement comme un souverain jeune, brave, entreprenant, est un vieillard usé par les débauches les plus honteuses et l’usage continuel de l’opium, le tyran le plus cruel et le plus abject en même temps qu’il soit possible d’imaginer. Les témoignages sont unanimes à cet égard. Les officiers anglais « voyageant en Afghanistan par ordre du gouverneur général » représentent eux-mêmes, sans exception, le souverain