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chant pas toutefois à la chapelle. Cet hôtel est plus curieux que commode ; on a supprimé des cloisons ; de deux cellules on a fait une chambre où l’on se trouve encore fort à l’étroit ; le parloir a été métamorphosé en petit salon, et le réfectoire en salle à manger. De vieilles peintures décorent ses murailles à demi reblanchies. N’étaient nombre de jolies sœurs qui viennent s’asseoir aux tables du réfectoire et coucher dans les cellules des pères, on pourrait se croire frère capucin, la chère étant à peu près aussi frugale que par le passé, et la propreté à peu de chose près la même. Quoi qu’il en soit, l’auberge des capucins a la vogue, nous ne devons pas en médire, d’autant mieux que, chose qui console de tout, on n’y meurt de faim qu’en excellente compagnie. Toute la pairie anglaise a couché dans ces cellules ; toute la noblesse italienne, tout le pêle-mêle des voyageurs français s’y est donné rendez-vous. Pendant les douze jours que nous y vécûmes en retraite, nous y vîmes passer des peintres, des poètes, des officiers, des diplomates, et M. Rothschild lui-même, vivant de régime et réveillé le matin dans sa cellule par une chèvre sa nourrice.

Chacune de ces cellules n’a que de fort petites fenêtres percées dans d’épaisses murailles. Comme de chacune de ces ouvertures on n’aperçoit d’abord que la mer, on dirait les sabords d’un navire. Une pierre lancée de ces fenêtres avec force alla tomber à cinq ou six cents pieds au-dessous de nous dans la petite anse où nous avions débarqué ; les eaux de cette partie de la mer étaient d’une merveilleuse transparence ; on pouvait compter les coquilles, les mousses, les galets de couleurs brillantes qui en tapissaient le fond. En se penchant un peu en dehors de ces fenêtres, on jouit d’une immense vue ; à gauche on découvre la ville, le port et de hauts rochers couronnés de tours ; au centre les montagnes de Majori, le cap du Tombeau, la côte de Pœstum et les montagnes de la Calabre ; sur la droite, la vaste étendue des mers.

Ce couvent, dans le principe, fut une abbaye fondée au temps de la grandeur d’Amalfi ; elle florissait au XIIe siècle sous le nom de l’abbaye de Saint-Pierre à Toczolo ou Toczolano, lorsque le cardinal Pierre Capouan y établit un ordre de chanoines réguliers consacrés à saint Pierre, et auquel Frédéric II fit don, par un diplôme qui porte la date de 1212 et qui existe dans les archives d’Amalfi, d’une rente de mille taris d’or à prélever sur ses domaines de Tropœa. Cet ordre religieux habita l’abbaye pendant près de trois siècles ; mais les mille taris ayant cessé d’être payés, l’abbaye fut délaissée, et ses bâtimens commençaient à se dégrader lorsqu’en 1583 les Amalfitains invitèrent le père don Inigo d’Avalos à y établir quelques-uns des capucins dont il était le général. Ces capucins y séjournèrent jusqu’à la suppression du couvent, en 1815.

La proximité d’une vaste grotte, au fond de laquelle, selon la coutume du temps, ils pouvaient élever un calvaire, avait sans doute engagé les fondateurs de l’abbaye à la placer sur cette pente escarpée de la montagne. Ils retinrent les terres cultivables par des murs, en formèrent des terrasses, et sur ces terrasses ils établirent de véritables jardins suspendus, plantés de vignes, d’orangers et de figuiers. La situation des bâtimens du couvent est d’autant plus