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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 21.djvu/252

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REVUE DES DEUX MONDES.

des os du saint et de guérir tous ceux qui avaient la foi, au grand préjudice sans doute des docteurs de la faculté de Salerne.

À en juger par la liste que j’ai sous les yeux, Amalfi, au temps de sa grandeur, avait au moins autant d’églises qu’elle compte aujourd’hui de maisons. La plupart de ces églises sort détruites, et il n’en reste pas de traces. Beaucoup sont abandonnées, et un très petit nombre sont encore consacrées au culte.

À droite de cette cathédrale et sur le même plan que sa façade, dont elle n’est séparée que par un étroit intervalle, s’élève la tour du Campanile, dont la construction remonte au XIIIe siècle[1] (1276). Cette tour est d’une architecture, assez singulière ; ainsi le dernier étage qui est de forme circulaire, tandis que le reste de la tour est carré, est entouré de colonnettes portant une coupole avec tambour et lanterne.

Dans le petit espace compris entre cette tour, l’église et la montagne, était placé le Campo Santo d’Amalfi, vulgairement appelé le Paradis ; c’était là que ses plus illustres citoyens étaient inhumés. Aujourd’hui ce cimetière est abandonné, et, sans aucun doute, il a été dépouillé dans des temps plus reculés, car on n’y voit plus un seul des sarcophages, une seule des pierres tumulaires sous lesquels dix générations reposaient. Il ne reste de ce cimetière que son cloître, orné de colonnettes accouplées.

On m’avait assuré à Naples que Flavio Gioja, le prétendu inventeur de la boussole, Gioja della nautica, comme disent avec orgueil les Amalfitains, avait un tombeau dans ce cimetière. Flavio Gioja n’a pas été plus favorisé que ses compatriotes illustres. Si son tombeau exista autrefois dans le Campo Santo d’Amalfi, il n’en reste pas de traces aujourd’hui ; nul fragment de marbre, nulle pierre, nulle inscription ne porte son nom ; aussi quelques esprits sceptiques ont-ils mis en doute son existence.

Flavio Gioja exista-t-il réellement ? Quelle était sa profession ? Que sait-on de son caractère ? Est-il en effet l’inventeur de la boussole ? Fit-il cette découverte à la suite de longues recherches ou par l’effet du hasard ? Avant de me rendre à Amalfi, je m’étais proposé de résoudre ces différentes questions, et j’avoue qu’après plusieurs jours de recherches je n’ai pu trouver de solution satisfaisante à aucune d’elles. La seule preuve qu’on ait de l’existence de Flavio Gioja, c’est une sorte de notoriété historique ou plutôt poétique. Mais comment à l’appui de cette notoriété n’existe-t-il, dans les archives du pays ou dans les chroniques du temps, aucune pièce de quelque valeur ? car cet acte de décès du moine Domenico da Muro, signé de la sœur Angiola Gioja dite la Fla-

    guori. » (Matho Camera. Descrizione antica e moderna d’Amalfia.) — L’auteur de cette compilation est inspecteur des fouilles et des antiquités de la province de Salerne ; cet ouvrage, sans méthode et sans critique, et dont cette singulière citation peut faire connaître l’esprit, contient néanmoins de curieux renseignemens et ne nous a pas été inutile.

  1. On lit sur la façade occidentale de cette tour l’inscription suivante :

    « Anno Dom. 1276. D. Philippus Augustariccius prœsul et civis Amalphitanus, hoc campanile et magnam campanam fieri fecit. »