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DE LA POLITIQUE ROMAINE.

pays occupés par les troupes de Pompée se donnaient secrètement à son rival ; les habitans entretenaient avec lui des intelligences, les villes lui ouvraient leurs portes. Les acclamations des citoyens d’Utique, préparant le triomphe du vainqueur, purent troubler Caton à son heure suprême et rendre son agonie plus amère. Ainsi le voulait le progrès du monde. L’ambition de César l’avait mieux compris que la vertu des derniers Romains.

Après la victoire, il y eut de grands comptes à régler entre le dictateur et ce monde romain, qui avait si bien aidé à sa fortune. Aucun service ne fut oublié ; beaucoup d’individus, des villes, des peuples entiers reçurent, suivant leurs mérites, les droits quiritaire, latin ou italique. Les soldats de la légion de l’Alouette furent faits en masse citoyens romains ; c’était une légion levée en Gaule et composée de braves qui s’étaient dévoués à la personne du conquérant.

Ces dettes du champ de bataille une fois payées, la pensée de l’homme d’état se porta vers de plus hautes questions. L’ordre politique était brisé ; des espérances sans bornes avaient été inspirées aux sujets de l’empire ; il fallait tout reconstituer, la société et le gouvernement. La mort vint le surprendre dans l’enfantement de ce grand travail, où il eût déployé sans doute cette intelligence universelle et cette fermeté de décision qui faisaient, avec sa prodigieuse activité, le cachet particulier de son génie. Quel était son plan ? Comment concevait-il cette réorganisation du corps des nations romaines ; leur classement, leur initiation aux droits divers qui s’échelonnaient jusqu’au droit de cité ? L’histoire ne le dit point ; mais, d’après les règlemens qu’il eut le temps d’achever, d’après ceux dont il ne fit que déposer le germe et que ses premiers successeurs développèrent, dans une pensée qui fut très probablement la sienne, on peut reconnaître que son plan fut un plan d’émancipation graduelle ; et que, sans rien précipiter, il voulait amener par degrés et avec le temps toutes les parties de l’empire à l’unité qui régnait déjà en Italie.

D’abord, il entreprit de réunir toutes les lois de la république dans un seul code qui les coordonnât, les fixât, et en répandît en tous lieux la connaissance. « Il projetait, dit Suétone, de réduire le droit civil à une certaine mesure, et de rédiger en très peu de livres ce qu’il y avait de bon et de nécessaire dans l’immense et diffuse quantité des lois existantes[1]. » Il ébaucha à peine ce projet de code, qui

  1. Suet., J. Cœs., 41. — Dion., XLIII.