Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 21.djvu/319

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
315
LA PRESSE PÉRIODIQUE DANS LE NORD.

tions fausses et déshonorantes contre un individu. Il est permis à chacun d’exprimer librement son opinion sur la marche du gouvernement et sur toute autre question.

Il n’y a en Norvége ni droit de timbre, comme en France, ni droit d’annonces, comme en Angleterre. C’est le directeur de la poste qui fait lui-même les abonnemens. On lui remet les feuilles au moment où elles sortent de la presse, sans enveloppe et sans adresse, et il les expédie ainsi à ses correspondans. La taxe de la poste est basée sur le prix de l’abonnement. Pour un journal qui coûte 25 francs par an, la poste perçoit 5 francs ; s’il en coûte 50, elle perçoit un dixième en sus ; s’il en coûte 75, elle ne reçoit plus qu’un quinzième en sus, et ainsi de suite. La moitié de cette taxe appartient au directeur de la poste, l’autre moitié entre dans la caisse de l’état.

Il y a en Norvége vingt-quatre journaux politiques et huit recueils périodiques consacrés à la médecine, à la jurisprudence, à l’agriculture, etc. Le Morgenblad (feuille du matin) et le Constitutionnel de Christiania sont les seuls qui paraissent chaque jour. Le premier représente l’élément démocratique dans sa plus grande extension ; le second s’en tient au développement progressif des idées libérales. Le Morgenblad est écrit parfois d’une façon un peu vulgaire ; le Constitutionnel est plein de mesure et de dignité. Dans les occasions où il s’agissait de défendre les droits de la Norvége, il a su prendre une attitude ferme et imposante ; dans celles où il ne s’agissait que de la Suède, il a su exprimer son opinion en conservant une sage réserve. Les principaux rédacteurs de cette feuille sont MM. Stang, Schweighauser et Motzfeld. MM. Munk et Velhaven lui donnent de temps à autre quelques jolis feuilletons.

Les journaux exercent en Norvége une grande influence, car ils pénètrent dans les habitations les plus isolées et sont lus par tous les paysans. Nous avons vu plus d’une fois, dans une pauvre ferme écartée de la grande route, éloignée de tout village et de toute ville, le laboureur lire le soir les feuilles politiques pour se reposer de ses travaux, et nous avons reçu, au pied du cap Nord, des nouvelles de France par un bateau pêcheur qui apportait les journaux de Christiania dans l’habitation la plus septentrionale du monde.

Toute la jeune presse scandinave, enfantée, comme nous l’avons dit, par le mouvement révolutionnaire de la France, porte encore l’empreinte de son origine, et se tourne de notre côté comme le disciple du côté de son maître pour obtenir un conseil dans les cas douteux, un appui dans les circonstances difficiles. La presse ancienne obéit depuis long-temps à la même influence. Les écrivains étudient avec soin ce qui se passe parmi nous, et puisent tour à tour dans nos journaux ou un nouveau sujet de thème politique, ou un nouvel argument en faveur de leur ancienne théorie. Ceux-ci s’appuient sur le Journal des Débats, ceux-là sur le National mais à quelque opinion qu’ils appartiennent, tous portent la même attention du côté de la France. Tous comprennent que c’est là le centre des idées qui agitent aujourd’hui le monde, le foyer d’où partent les rayons de lumière, le sol qui renferme les fruits de l’avenir. C’est un fait que je n’exprime qu’en passant, et que les journaux du Nord