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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 21.djvu/391

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PHILOSOPHIE DE KANT.

phique, religieux, littéraire et politique de cette seconde époque. Ce sont là les beaux jours de l’empire germanique, dont de grands écrivains invoquent encore le souvenir avec enthousiasme.

Cette forme passa comme l’autre, comme passent toutes les formes. Ce qui contribua à l’énerver d’abord et à la dégrader ensuite, ce fut la trop grande influence de la domination étrangère en politique et en religion. Peu à peu les étrangers jouèrent en Allemagne un plus grand rôle que les gens du pays. Une ville d’Italie finit par dicter les croyances, les mœurs et les moindres pratiques qui devaient s’observer au fond de la Thuringe. Un jour il arriva que sur le trône d’Allemagne se rencontra un prince dont la domination, s’étendant aussi sur les Pays-Bas, sur les Espagnes et sur la moitié de l’Italie, ne représentait plus aux peuples un gouvernement national. Charles Quint, Belge et Espagnol bien plus qu’Allemand, était parvenu au faîte d’une puissance qui, ne pouvant s’accroître, devait décliner. L’Allemagne peut se soumettre dans l’ordre extérieur et politique mais elle ne peut obéir qu’à son propre génie dans l’ordre intellectuel et moral ; elle réclama quelque liberté de détail sur un point de médiocre importance : elle ne fut pas entendue ; elle résista donc, et l’énergie de la résistance appelant la violence de la répression, et celle-ci redoublant celle-là, ainsi éclata et se répandit cette réformation religieuse et politique qui brisa l’unité de l’Europe et arracha le sceptre de l’Allemagne à la maison d’Autriche et à la cour de Rome.

Deux hommes commencèrent cette révolution, deux Allemands, deux hommes du Nord, dont l’un protesta avec une éloquence passionnée contre le despotisme religieux, et l’autre appuya cette protestation de son épée : je veux parler de Luther et de Gustave-Adolphe. Les discours de Luther minèrent le catholicisme ; l’épée de Gustave abattit la maison d’Autriche et émancipa l’Allemagne. Mais, je dois le dire, ces deux grands hommes, en détruisant une forme qui ne convenait plus à l’esprit général, ne la remplacèrent par aucune forme nouvelle ferme et durable. De là l’anarchie qui dura long-temps et qui dure encore. Quand l’unité du saint-empire eut péri, et que le titre d’empereur fut devenu un titre vain qui n’était plus en réalité que celui d’empereur d’Autriche, les électeurs et les princes, rendus à l’indépendance, devinrent peu à peu des monarques absolus, et au despotisme régulier d’un seul succéda une foule de despotismes particuliers. De même, quand Luther eut détruit l’influence de Rome dans une grande partie de l’Allemagne, les