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de l’un et de l’autre. Descartes à son tour n’est point Leibnitz, et Kant, qui a commencé la philosophie allemande, ne l’a ni gouvernée ni terminée. Cette philosophie marche encore, et ne paraît pas avoir atteint son dernier développement. Plus heureuse, la révolution française, née en même temps que la révolution philosophique de l’Allemagne, partie à peu près du même point, de la déclaration des droits primitifs et éternels de l’homme indépendamment de toute société, de toute histoire, comme l’autre des lois pures de la raison humaine indépendamment de toute expérience, proclamant également et le mépris du passé et les espérances les plus orgueilleuses, a parcouru, en quelques années, ses vicissitudes nécessaires, et nous la voyons aujourd’hui arrivée à son terme, tempérée et organisée dans la charte qui nous gouverne. La charte de la philosophie du xixe siècle n’est pas encore écrite. Kant n’était pas appelé à cette œuvre ; la sienne était bien différente : il devait faire une révolution contre tous les faux dogmatismes, et contre les grandes hypothèses de l’idéalisme du xviie siècle, et contre les hypothèses mesquines et tout aussi arbitraires du sensualisme de son temps ; et cette entreprise, il l’a accomplie, grace à cette méthode dont je viens de faire connaître le caractère d’après les deux préfaces et l’introduction de la Critique de la raison pure. Peut-être une autre fois essaierons-nous d’aborder cette Critique elle-même, et d’introduire les lecteurs de la Revue dans l’intérieur de ce grand monument.


V. Cousin.