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DE LA LITTÉRATURE POPULAIRE EN ITALIE.

ment il ne connaissait pas le recueil oriental, et ces traits lui étaient fournis par les traditions du peuple. Cette fois, le poète, au lieu d’arranger, a imité et embelli ; cependant ses imitations se rapprochent des récits du crédule Villani. Plusieurs monumens de Naples figurent dans ses nouvelles, transformés en gentilshommes ou en magiciens ; le Vésuve lui-même et le Pausilippe y apparaissent comme souvenirs de deux grandes catastrophes. Reppone inventait ce que Villani aurait cru.

Cortese est le second poète de Naples. Les Napolitains disent que c’est le Dante de leur littérature ; mais il faut bien se garder de prendre ceci à la lettre. Il fleurit en 1630, il était lié avec Basile, on dit même qu’il fut son disciple ; on ne connaît de sa vie que cette seule circonstance. Ses ouvrages, qui ne forment qu’un volume, ont été réimprimés cinq ou six fois ; Gravina et Quadrio parlent de lui avec beaucoup d’éloges. Cortese est le poète héroï-comique de la plèbe napolitaine, et il occupe une place distinguée dans l’histoire littéraire de son pays. Ses poèmes transportent le lecteur au milieu du XVIIe siècle, il fait revivre les compagnons de Masariello, cette populace qui s’est insurgée au nom des saints et de la madone ; peut-être le père de Masaniello a-t-il posé devant Cortese. Les aventures des lazzaroni, les guerres des bandits, les amours des jeunes filles, les fêtes, les jeux des ouvriers, les exploits des truands, la vie des courtisanes, tels sont les sujets qu’il affectionne. Parfois, ses tableaux sont trop chargés de personnages ; les héros, multipliés, se confondent ; le poète ne sait pas les grouper autour d’un évènement qui les domine ; il se laisse entraîner par une multitude d’épisodes qui se refusent à toute unité littéraire ; cependant ses scènes détachées sont toujours admirables de verve et de naïveté. Le Micco passaro est le meilleur ouvrage de Cortese ; c’est un poème en dix chants, qui se rattache à une guerre soutenue par Naples contre les bandits. Les personnages y sont divisés par grandes masses : les bandits, les soldats espagnols, les lazzaroni et les courtisanes forment autant de groupes séparés. La scène s’ouvre au milieu de Naples : les brigands vont s’approcher de la capitale, le vice-roi en est informé par une lettre qui lui arrive de Madrid ; tous les cuisiniers de la ville veulent aller se battre pour montrer au monde ce que c’est que des Napolitains ; on ne parle plus que de batailles, on entend des roulemens de tambours dans toutes les rues. Les courtisanes se réunissent pour empêcher leurs amans d’aller à la guerre. On voit s’agiter là une population étrange, unissant la vivacité du singe à une superstition capable de prendre à la lettre tous les contes fantastiques de Basile. Quelques individus se détachent du milieu de ces groupes divers ; leurs aventures remplissent les dix chants du poème ; ici c’est une fille qui a entretenu son amant pendant qu’il était aux galères ; là ce sont des sbires et des voleurs qui escriment à coups de couteaux sur la place du marché. Micco occupe le premier rang parmi ses camarades, il finit par dominer tous les autres héros du poème ; peu à peu on perd de vue la guerre des bandits, pour ne s’intéresser qu’à Micco le bravache, qui, toujours en quête des dangers, toujours le premier à les fuir, est enfin conquis par Nora, qui l’épouse.