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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 21.djvu/517

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DE LA LITTÉRATURE POPULAIRE EN ITALIE.

Gaggiano, village de l’Adda, près des états de Venise. Au carnaval, on le voyait parcourir les rues de Milan ; Venise aussi introduisait souvent la caricature de Beltram dans les mascarades fantastiques de sa comédie impromptu. Au commencement du XVIIe siècle, c’est le patois de la ville qui prend le dessus. Capis (1605) veut relever le patois de Milan par des étymologies tirées du grec et du latin ; un autre écrivain attaque la langue italienne dans un petit traité sur la prononciation milanaise. Jusqu’alors la domination espagnole n’avait pas anéanti les traditions italiennes, peut-être se souvenait-on encore de la cour des Sforza ; mais la réaction municipale s’accomplit vers la moitié du XVIIe siècle, et la poésie populaire oublie le langage rustique pour adopter le patois de la ville. Maggi est l’homme qui représente cette transition : entraîné par ce mouvement, qui l’éloignait de la langue italienne, il fut séduit par la facilité avec laquelle il écrivait en milanais, et on le vit, de mauvais littérateur italien qu’il était, devenir le premier poète de la Lombardie.

Maggi écrivit quatre comédies ; comme le théâtre impromptu de Venise, ces pièces offrent la plus fidèle image du pays. Les personnages inventés par Maggi ont passé à l’état de caricatures traditionnelles ; ses bons mots sont devenus des proverbes. Tous les poètes milanais, en quelque sorte, ne relèvent que de lui ; son héros de prédilection, Meneghino, est devenu le Polichinelle de Milan, le type même de la poésie milanaise. Meneghino est un valet marié, chargé d’enfans, très attaché à ses maîtres, vertueusement ridicule, honnêtement couard, agissant toujours avec une circonspection comique et toujours attrapé par le premier fripon qu’il rencontre. Sur le théâtre, Meneghino est le jouet de toutes les intrigues ; il répand pour ainsi dire sa bonhomie et sa bêtise sur tous les interlocuteurs. Hors du théâtre, il est encore le protagoniste de toutes les poésies locales. C’est sous son nom que passent presque toujours les récits, les chansons, les satires. Il va sans dire que Meneghino fit oublier Beltram ; le valet de la ville remplaça celui de la campagne, et il ne fut plus question de Beltram que dans quelques proverbes et dans quelques vers en langue rustique.

La vie poétique de Meneghino commence avec la première pièce de Maggi. Dona Quinzia, dame de qualité chargée d’enfans, voudrait marier sa fille avec Fabio, héritier unique d’une riche famille bourgeoise, mais elle craint de se mésallier : voilà toute la pièce. Les deux familles sont en présence ; l’une est prétentieuse et hautaine, l’autre paisible et casanière. Fabio et Meneghino son domestique vont et viennent d’un groupe à l’autre ; le maître, incapable de prendre un parti, se laisse toujours diriger par le valet. Au premier acte, il veut se faire acheter un régiment par son père ; mais le métier de soldat déplaît à Meneghino. Fabio renonce alors à son projet, et il consent à se marier ; cette fois il est rebuté par les hautes prétentions de Mme Quinzia. Le bourgeois ne veut pas s’engager à entretenir des laquais, une voiture, à avoir une loge à l’Opéra ; il est médiocrement touché des vertus de la demoiselle, quoiqu’elle sache par cœur son Amadis de Gaule. Au second acte, arrive une dépêche de Madrid qui nomme Fabio à une place dans la magistrature ;