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L’INDUS. — LE SINDH.

répartis suivant le bon plaisir du gouvernement suprême. Un régiment européen (le 40e), et d’autres troupes appartenant à la présidence de Bombay occupent Karatchi, qui nous semble devoir être regardé maintenant comme la clé de l’empire hindo-britannique à l’occident, se trouvant au sommet de l’angle formé par la ligne des bouches de l’Indus et la branche la plus occidentale de ce fleuve.

En général, la population mâle de Karatchi a des formes athlétiques et l’apparence de la santé. La tête et la face sont petites, mais d’un beau contour ; l’habillement des hommes est d’un tissu grossier, mais il leur sied à merveille, et tous, à l’exception des Hindous, que l’on rencontre en petit nombre, portent le bonnet beloutchi. Les femmes ont, comme les hommes, les traits marqués et le nez aquilin. Leurs cheveux sont simplement partagés sur le front, mais cependant la coiffure des coquettes du pays doit, pour être parfaite, satisfaire à une condition étrange. Une mèche de cheveux bien lisse, ramenée avec soin du sommet du front sur le nez, s’attache à l’anneau qui traverse l’une des narines. Les domestiques sont esclaves pour la plupart. Le commerce d’esclaves a été jusqu’à présent en grand honneur à Karatchi. Un bon esclave mâle se payait en général de 2 à 400 roupies (de 500 à 1,000 francs environ). Les femmes ne coûtaient guère plus de 60 roupies, et les enfans de sept à huit ans, 50. Cet odieux trafic a dû cesser depuis que les Anglais sont entrés en possession de ce district. — Le chameau, qui est ici d’une petite espèce, n’en est pas moins le plus précieux de tous les animaux domestiques. On l’emploie à tout. Les chameaux qui servent de monture font aisément un trajet de 70 milles dans un jour.

Nous avons déjà dit que la portion la plus industrieuse de la population, quoique de beaucoup la moins nombreuse, est hindoue. Le commerce est tout entier entre les mains des Hindous Moultanis. Ils occupaient aussi, sous le gouvernement des Amirs, quelques emplois subalternes, mais à la condition de laisser croître leur barbe comme les musulmans et de porter le même habillement qu’eux, humiliation que l’amour du gain leur faisait supporter sans hésitation. Le gouvernement anglais n’a pas tardé à utiliser l’intelligence et l’expérience locale de cette classe d’hommes, et nous voyons, par une lettre d’un des officiers appartenant à la garnison de Karatchi, que l’amiral sir Frédérick Maitland[1] n’a pas dédaigné de s’asseoir à un banquet qui lui avait été offert par un de ces Hindous Moultanis, le principal négo-

  1. Mort dernièrement à Bombay.