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environ du sol du Delta est couvert par les lits du fleuve ou ses ramifications ; une grande partie des sept huitièmes restans est envahie par une végétation naine, mais vigoureuse, qui forme des fourrés impénétrables. Dans la proximité des villes seulement, comme près d’Hyderabad et de Tatta, on cultive la vigne, le figuier, le pommier, le grenadier, la canne à sucre ; on récolte aussi quelque peu d’indigo, du tabac et du chanvre : ces deux dernières plantes sont employées comme narcotiques. Partout les grands arbres sont rares. De vastes portions de la surface du Delta sont occupées par des plaines entièrement nues, d’une argile durcie. Sans l’Indus et ses inondations bienfaisantes, tout le Sindh deviendrait un désert semblable à celui qui s’étend entre ce pays et l’Hindoustan. Malgré ces désavantages naturels et l’incurie de ses habitans, le Sindh a rapporté, dans ces derniers temps, au gouvernement des Amirs, environ 40 lacs de roupies (à peu près 10 millions de francs) ; sous la dynastie précédente, les revenus s’élevaient, dit-on, au double de cette somme.

L’histoire du Sindh est assez bien connue, Alexandre avait trouvé ce pays habité par les Hindous et gouverné par les brahmanes. Après avoir fait quelque temps partie de la monarchie bactrienne, le Sindh regagna son indépendance qu’il conserva jusqu’à l’établissement de l’islamisme, et passa bientôt après sous le joug mahométan. Les califes renversèrent la dynastie brahme, et de Baghdad gouvernèrent cette province par députés. Le Sindh passa successivement sous la domination des Ghaznavides et des Ghorides, jusqu’au XIVe siècle ; à cette époque, les princes du pays reprirent le dessus, et plusieurs tribus se disputèrent l’honneur de donner des souverains au Sindh, qui fut soumis de nouveau par les conquérans tartares. Enfin, Nâder-Shâh le réunit à son empire, et quand, après sa mort, Ahmed-Shâh fonda le royaume de Kaboul, cette province en fit partie et a été considérée depuis lors comme une de ses dépendances. Du temps de Nader, elle était gouvernée par la famille des Caloras, originaire du Beloutchistan. Sous le règne de Timour-Shâh (fils d’Ahmed-Shâh), vers l’année 1786, le pouvoir passa dans la famille des Talpouris, qui l’a conservé jusqu’à ce jour, et qui est également Beloutchie d’origine. Nous savons déjà ce que l’on doit penser du caractère et des résultats de leur administration, qui avait pour but exclusif de remplir les coffres des Amirs, sans égards pour le commerce, pour l’agriculture, pour le bien-être présent ou futur des populations. Le gouvernement anglais chercha plusieurs fois à former avec ces princes une alliance qui pût profiter d’une manière efficace et durable à leurs intérêts commerciaux ; mais il n’y avait aucun résultat utile à attendre de traités con-