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Anglais, en 1814, grand propriétaire et propriétaire d’esclaves dans le Tennessee, représentant des idées et des intérêts de l’immense vallée du Mississipi, qui est à elle seule un monde tout entier dans l’Union américaine, Jackson semblait destiné à étendre sur les anciens domaines de l’Espagne l’empire de cette race envahissante dont il partage les passions et les irrésistibles instincts.

Le pressentiment universel qui réservait à la présidence de Jackson l’acquisition du Texas par les États-Unis a été sur le point de se réaliser, et n’a pas été entièrement trompé, au moins en ce sens que le Texas n’appartient plus au Mexique, et que la politique du cabinet de Washington a prodigieusement favorisé de toutes manières, pendant les années 1835 et 1836, la révolution qui a livré cette province, non pas à la confédération, mais à la race anglo-américaine. Le peu de temps qu’il a fallu pour atteindre un si grand résultat prouve combien étaient puissans les motifs politiques et sociaux qui, dès 1829, poussaient une partie considérable des États-Unis à en poursuivre l’accomplissement. Ils avaient mis vingt ans à conquérir l’embouchure du Mississipi, dont leurs hommes d’état, non moins que l’instinct populaire, avaient, le lendemain de la révolution, jugé la possession indispensable à leur développement[1]. Plus tard, quand leur force d’expansion est plus que doublée, ils ne mettent que six ou sept ans à prendre possession du Texas, d’une manière complète, quoique indirecte, par leurs formes de gouvernement, leurs institutions, leurs mœurs, leur langue, leurs enfans, leur industrie, les intérêts essentiels de leur nationalité.

Le bruit qui avait couru aux États-Unis, en 1829, de négociations entamées avec le Mexique pour la cession du Texas, était fondé. M. Poinsett, aujourd’hui ministre de la guerre à Washington, et alors, comme nous l’avons dit, représentant de son pays auprès de la république mexicaine, espérait peut-être réussir dans cette négociation difficile, grace à l’intimité de ses relations avec Zavala, qui était l’ame de l’administration du président Guerrero, et avec le parti des Yorkinos[2], que la révolution du mois de décembre 1828 avait porté aux affaires. Zavala venait d’obtenir lui-même d’immenses con-

  1. Voir passim dans la Correspondançe de M. de Lafayette avec ses amis d’Amérique, antérieurement à la cession de la Louisiane aux États-Unis par le premier consul, et l’Histoire de la Louisiane, par M. Barbé-Marbois.
  2. Ces désignations d’Yorkinos et d’Escoceces ou Écossais se rapportaient à la franc-maçonnerie. Les partisans des idées démocratiques appartenaient à la loge ou rit d’York, ceux de l’aristocratie au rit écossais.