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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 21.djvu/639

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LE TEXAS ET SA RÉVOLUTION.

cessions de terrains au Texas, et pour leur donner quelque valeur, il devait désirer ou que cette province fût transférée aux États-Unis, ou que la colonisation par les Anglo-Américains s’opérât sur une très grande échelle. Le Mexique, menacé d’une invasion espagnole qui eut lieu effectivement dans le cours de l’année, se trouvait d’ailleurs en proie, comme toujours, à une extrême détresse financière, et pouvait être accessible à des propositions d’emprunt, de la part du cabinet de Washington, hypothéquées sur le Texas. « Cela nous arrondirait, disait alors M. Poinsett en parlant de l’acquisition de ce pays, et, si on voulait nous le vendre, je me ferais fort de l’acheter. » Mais quoi que ce diplomate actif et remuant dût se promettre d’un concours de circonstances aussi favorables, l’évènement ne répondit point à son attente.

Pendant que M. Poinsett sondait le terrain, la république mexicaine repoussait le dernier effort de l’Espagne contre son indépendance. Conçue dans les proportions les plus mesquines et misérablement conduite, l’entreprise de Barradas n’avait aucune chance de succès. La trahison seule aurait pu la faire réussir, et Santa-Anna ne trahit point. La misérable tentative des Espagnols échoua donc honteusement. On accusa les États-Unis de l’avoir favorisée, ce qui ne me paraît pas vraisemblable, et, dans l’exaltation du triomphe, tous les partis se prononcèrent en même temps contre les ambitieux projets du cabinet de Washington. Une autre circonstance vint ajouter aux défiances réciproques des deux gouvernemens. Le président Guerrero, pour faire face aux dangers de la situation et animer l’enthousiasme patriotique du peuple mexicain, en avait appelé aux sentimens de liberté, aux idées et aux passions révolutionnaires, qui l’avaient porté lui-même au pouvoir. M. Poinsett était démocrate ; il s’était associé, d’une manière assez ostensible, à tous les mouvemens du parti des Yorkinos, opposé à la faction aristocratique ou écossaise ; mais il n’était pas abolitionniste ; et lorsque Guerrero, à l’occasion de l’anniversaire de l’indépendance (15 septembre 1829), proclama l’abolition de l’esclavage dans toute la république, cette mesure le mécontenta beaucoup et inquiéta son gouvernement, à cause de la sensation qu’elle devait produire parmi la population noire des états à esclaves. Guerrero voulait faire plus encore. M. Poinsett apprit avec effroi qu’il songeait à se mettre en rapport avec le président de la république d’Haïti, pour soulever les esclaves de Cuba. Le ministre des États-Unis se trouva alors au Mexique dans une position très difficile. Le parti écossais ne lui pardonnait pas la