Diane. — Qu’entends-je ? Votre langage n’était pas sérieux ? (À part.) Je suis si confuse, que je ne sais que lui dire.
Le Comte. — Comment, avec tout votre esprit, n’avez-vous pas reconnu que c’était une fiction ?
Diane. — Mais ce trait dont vous vous disiez frappé, ce poison si doux qui avait banni l’indifférence de votre cœur ?…
Le Comte. — Fictions que tout cela. Me jugiez-vous donc assez dépourvu d’adresse et d’esprit pour ne pas même savoir donner à la feinte une apparence de vérité ?
Diane, à part. — Qu’est-ce qui m’arrive ? Ai-je bien pu m’exposer à un tel affront ? Je me sens toute brûlante de honte et de dépit, je crains qu’il ne s’en aperçoive… Il faut absolument que je le mette à mes pieds, quoi qu’il puisse m’en coûter.
Le Comte. — Madame, on nous attend.
Diane. — Moi, tomber dans un pareil piége… Comment vous…
Le Comte. — Que dites-vous ?
Diane. — Qu’allais-je faire ! Je perds l’esprit… Remettez votre masque et rejoignons la foule.
Le Comte, à part — Mon imprudence est réparée. C’est donc ainsi que la cruelle récompenserait un amour sincère ?
Diane. — Vous savez feindre avec tant d’adresse, qu’en vérité j’avais pris vos paroles au sérieux.
Le Comte. — Non, non, je ne m’abuse pas, vous n’avez pu vous tromper à ce point ; mais, pour vous conformer aux usages de cette fête, qui vous prescrivait de m’accorder quelque faveur, ne pouvant prendre sur vous de paraître répondre à la tendresse que je vous témoignais, vous avez voulu rendre une sorte d’hommage à mon esprit en faisant semblant de croire à la sincérité de mes paroles.
Diane, à part. — Quelle piquante ironie ! N’importe, j’essaierai encore de le tromper. (Haut.) Venez, et, puisque je sais que tous vos propos ne sont que fictions, continuez à m’entretenir sur ce ton, je vous en estimerai davantage.
Le Comte. — Comment cela !
Diane. — Je suis plus touchée de votre esprit que je ne le serais de votre amour, je vous en sais meilleur gré.
Le Comte, à part. — Ah ! si je ne comprenais pas sa pensée ! Rendons-lui trait pour trait.
Diane. — Vous ne continuez pas ?
Le Comte. — Non, madame.
Diane. — Pourquoi ?
Le Comte. — Vous m’avez tellement effrayé en me disant que vous m’en sauriez gré, qu’il me serait impossible en ce moment de feindre avec vous le langage de l’amour.
Diane. — Quel mal peut-il donc résulter pour vous du plaisir que je trouverais à ces propos ingénieux ?