Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 21.djvu/860

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
852
REVUE DES DEUX MONDES.

JULIE.

Abrégeons, monsieur. Si c’est pour me parler d’affaires que vous me retenez ici contre ma volonté, le procédé est au moins bizarre ; et si le chevalier de Puymonfort, mon cousin, est votre débiteur, il s’acquittera envers vous : cela ne me regarde pas. Laissez-moi sortir.

SAMUEL.

Un petit moment, un petit moment ! ceci vous regarde plus que vous ne pensez. Le chevalier est insolvable.

JULIE.

Ma famille se cotisera pour ne vous rien devoir.

SAMUEL.

Ah bien oui ! votre famille !… si entre vous tous vous aviez pu réunir cinq cents louis, vous ne m’auriez pas épousé.

JULIE, outrée.

C’est possible ! après ?

SAMUEL.

Après !… comme j’ai droit à être payé, j’ai pris des sûretés, et voici une lettre de cachet que le ministre de sa majesté, plein de bontés pour moi, a bien voulu me délivrer contre ce bon chevalier.

JULIE.

Quoi ! vous n’avez pas reculé devant une pareille violence ? vous, à la veille de votre mariage, vous avez sollicité une lettre de cachet contre un des membres de la famille où vous alliez entrer ?

SAMUEL.

Et je m’en servirai le jour même de mon mariage, si la famille dans laquelle j’ai l’honneur d’être admis ne fait pas ma volonté.

JULIE.

Votre volonté !… oh ! il est facile de vous contenter. Le chevalier a des protecteurs aussi, monsieur ! le duc, notre ami intime, ne souffrira pas,… vous serez payé.

SAMUEL.

Et si je ne veux pas l’être ?

JULIE.

Mais que voulez-vous donc ?

SAMUEL.

Si je veux faire mettre tout bonnement le chevalier à la Bastille ? Une lettre de cachet n’est pas toujours un mandat de prise de corps pour dettes, c’est aussi parfois un ordre absolu motivé par le bon plaisir de qui le donne, et exécuté selon le bon plaisir de qui s’en sert, eh ! eh !

JULIE.

Si votre bon plaisir est de vous déshonorer…

SAMUEL.

Oui-dà, madame ma femme ! Ici les rieurs seraient de mon côté. Diantre !..