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L’AFGHANISTAN. — MŒURS DES AFGHANS.

accepta l’islamisme. Ce mythe n’a probablement d’autre but que d’indiquer l’origine de la noblesse afghane.

Le roi des Afghans est le chef de l’état ; il a un pouvoir suprême dans toutes les affaires concernant le peuple entier, mais il n’administre que le domaine de sa propre tribu, et ne se mêle des choses touchant les autres tribus que lorsqu’elles le lui demandent elles-mêmes. Cependant elles sont toutes obligées à lui fournir des troupes et à payer un impôt. Nous avons vu quelle est l’organisation intérieure de la tribu ; la moins importante compte rarement plus de dix familles.

De même que les tribus se forment des familles, de même le peuple n’est qu’un assemblage de tribus. Les liens qui unissent entre elles toutes ces parties sont les mêmes que ceux qui unissaient jadis les demen et les phylen des Grecs, ou les pagi et les vici des Germains, et dont les traces se sont conservées jusqu’à présent parmi quelques peuplades des Slaves méridionaux.

L’union du droit de succession aux dignités vacantes, au droit d’élection des chefs de famille, repose sur les mêmes bases que chez les anciens Francs. Dès qu’un khan ou un supérieur quelconque meurt, l’élection a lieu. Ordinairement c’est le puîné de la famille qui est choisi. Cependant c’est une règle qui n’est pas obligatoire. Le roi n’a que le droit d’approbation. Quelques tribus lui accordent celui de nomination, dont il n’est libre de se servir qu’en faveur des membres de la famille possédant telle ou telle dignité par droit d’hérédité. Ce système de succession politique expose les Afghans, comme c’était jadis chez les Germains, à des guerres intestines. Ils prennent, suivant l’usage adopté par ces derniers, leurs reges ex nobilitate et leurs duces ex virtute. Leur khan est, comme autrefois le roi des Germains, le chef de la tribu pendant la paix. Il résigne son pouvoir pendant la guerre entre les mains d’un commandant général ou dictateur. Après la guerre, les khans redeviennent ce qu’ils avaient été avant. L’administration intérieure de chaque tribu afghane se trouve encore tracée par Tacite : De minoribus rebus principes consultant, de majoribus omnes[1]. Les khans, les malliks et les moushirs ne peuvent donc rien décider dans les circonstances graves sans prendre l’avis préalable des chefs de familles et de la masse de leurs subordonnés. Les assemblées des chefs de famille, ou les djirgas, sont convoquées par un spihn zerah (barbe blanche), et ne contiennent que les chefs de famille. Les djirgas (assemblées) d’ou-

  1. Voyez Asiatic journal ; décembre 1839, p. 255.