mis au monde toute une génération de monstres sans nom, qui n’ont rien à démêler avec la race humaine.
La Justice de Trajan, de M. Eugène Delacroix, est le plus beau tableau du salon de cette année. Il est facile de relever dans cet ouvrage plusieurs fautes de dessin ; mais ces fautes sont amplement rachetées par une multitude de qualités du premier ordre. Le second et le troisième plan de la Justice de Trajan rappellent les toiles les plus éclatantes de l’école vénitienne. L’architecture est conçue et rendue avec une largeur, une simplicité, une harmonie, qui réveillent dans tous les esprits le souvenir des Noces de Cana. S’il est vrai, comme on l’assure, que la Justice de Trajan ait soulevé dans le jury du Louvre une vive résistance, s’il est vrai que cette toile admirable, refusée d’abord, n’ait été reçue qu’à la majorité d’une voix, on ne saurait trop déplorer l’aveuglement de la quatrième classe de l’Institut ; car, parmi les peintres qui siègent à l’Institut, il n’y en a certainement pas un seul capable d’exécuter, encore moins de concevoir la Justice de Trajan. Il ne faut pas un grand savoir pour signaler les fautes de dessin qui se rencontrent dans le premier plan de cet ouvrage, il ne faut pas une grande sagacité pour voir en quoi pèche le cheval de Trajan ; mais pour assembler toutes les parties dont se compose ce tableau, pour créer cette foule qui regarde et qui écoute, il faut être doué de facultés bien rares, il faut avoir reçu du ciel ce que l’école n’enseignera jamais, le sentiment de la grandeur et de l’énergie. Il n’y a qu’un peintre vraiment digne de ce nom qui puisse concevoir la Justice de Trajan ; c’est pourquoi la critique la plus sévère, tout en faisant ses réserves contre les taches qu’elle découvre sans peine dans le premier plan de ce tableau, doit le signaler hautement à l’admiration de la foule. Les défauts sont constans, mais les beautés sont innombrables et de l’ordre le plus élevé. Il n’y a dans cette toile aucun effet puéril, aucune combinaison mesquine ; c’est de la peinture franche et hardie qu’il faut admirer, parce qu’elle est belle et que les œuvres de cette valeur ne se comptent pas aujourd’hui par centaines.
L’Ouverture des États-Généraux en 1789, de M. Couder, offre plusieurs morceaux d’une exécution recommandable ; plusieurs groupes de cette toile se distinguent par la précision et la réalité ; on reconnaît surtout dans le tiers-état une grande habileté de pinceau. Mais l’ensemble de cette composition est loin d’être satisfaisant ; le mélange malheureux du blanc et du violet donne à toute la toile un aspect singulier ; on croit voir un effet de neige. Ajoutons que les figures