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SALON DE 1840.

sont distribuées d’une manière que la peinture ne saurait avouer ; il y a dans cette toile des trous qui s’opposent invinciblement à toute espèce d’harmonie linéaire. Si le programme donné à M. Couder lui a prescrit de faire ce que nous voyons, le programme a eu tort. Il est possible que ce tableau soit conforme au procès-verbal de la séance, mais il n’est certainement pas conforme aux lois de la peinture. Il fallait laisser au peintre la liberté de traiter la donnée historique selon les convenances et les besoins de son art.

Le 18 brumaire de M. Bouchot, inférieur aux États-Généraux de M. Couder, donne lieu aux mêmes observations. Je ne peux pas croire que l’auteur justement applaudi des Funérailles de Marceau ait agi librement en étalant sur sa toile cette multitude de manteaux rouges. La tête de Bonaparte n’est pas bonne ; mais il y a dans cet ouvrage assez de preuves de talent pour qu’il soit permis de penser que M. Bouchot, livré à lui-même, eût produit un tableau très supérieur à celui que nous voyons.

La Mort du président Brisson, de M. Alexandre Hesse, est complètement dépourvue de style ; si le livret n’était là pour nous expliquer le sujet du tableau, il serait impossible de deviner à quelle classe appartiennent les personnages. Toutes les têtes sont conçues et rendues avec la même trivialité.

Si les Belges admirent, comme on le dit, le talent de M. Keyser, il faut qu’ils aient cessé de comprendre le mérite de Rubens, car la Bataille de Wœringen n’est qu’un assemblage de lieux communs parfaitement insignifians et très incorrectement dessinés. La toile est garnie et n’est pas pleine ; le regard ne sait où se poser et ne rencontre pas une seule figure qui le séduise par la hardiesse des contours ou le charme de la couleur ; il y a tels papiers peints que je préfère à la Bataille de Wœringen.

Le Colloque de Poissy, de M. Robert Fleury, offre une réunion de têtes attentives et finement modelées ; la scène est bien comprise et traitée de manière à intéresser le spectateur. Ce tableau est, à notre avis, très supérieur aux précédens ouvrages de l’auteur. On peut reprocher à M. Robert Fleury d’avoir placé toutes ses figures sur le même plan, ou à peu près ; on peut lui dire que la salle où ses personnages sont réunis manque de profondeur : mais il faut louer les expressions variées qu’il a su donner à ses têtes, sans distraire l’attention du spectateur par aucun épisode puéril. On reconnaît dans ce tableau le désir de bien faire et de caractériser nettement l’action dans laquelle sont engagés les personnages ; on voit que M. Robert