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DU THÉÂTRE EN ANGLETERRE.

le martin-pêcheur qui plane, avec son plumage de feu, y baigne le bout de son aile quand midi sonne au clocher des hameaux… »

Paracelse. — Mon cœur, mon cœur s’éveille et se desserre lorsque j’entends cette chanson de la jeunesse ; les ténèbres passent, le serpent noir qui me pressait l’ame se déroule enfin et me quitte. Ah ! Festus, je respire ! c’est toi, c’est toi !


Après cet admirable mouvement, Festus console son ami, dont l’agonie s’éclaire d’un rayon d’espoir sublime :


« Esprit souverain (lui dit son ami), maître, créateur, inventeur, ceux qui raillent les convulsions de ta vie se moqueront de l’Etna dont les profondeurs bouillonnent. Je t’ai connu, moi ! je te comprends, je te suis fidèle. Je t’ai vu surgir et lutter. Je te vois mourir. Ô Dieu puissant, que je sois traité comme il le sera. Si tu m’avais créé fort comme lui, j’aurais failli comme lui ; advienne que pourra, je suis avec lui, je suis pour lui !… Dieu ! nous nous présentons ensemble devant toi : punis-nous, ou récompense-nous ensemble ! »


Paracelse, œuvre qui porte, comme on le voit, toutes les traces d’un esprit supérieur, mais que déparent la diffusion, l’incohérence, le vague des détails et le défaut de concentration dans la forme, ne se rapproche du drame que par son titre. L’élément dramatique apparaît d’une manière un peu plus prononcée dans deux ouvrages de Robert Henri Horne, intitulés : La Mort de Christophe Marlowe, et Côme de Médicis. La réflexion y domine encore l’action, et le défaut capital de la poésie du Nord se fait sentir assez vivement dans ces deux ouvrages pour y étouffer la réalité de l’intérêt dramatique. Ici la vie effrénée d’un poète demandant aux voluptés les plus vulgaires la compensation de ses douleurs et de son humiliation sociale ; là, un père et un prince cherchant l’équité la plus sévère, et ne rencontrant que l’injustice : telles sont les deux bases de ces ouvrages, dont l’un est élégiaque et l’autre épique. L’effet de scène manque à l’un et à l’autre. Il se trouve encore moins dans la pièce intitulée : Nina Sforza, par Richard Zouch Troughton. Il n’est pas étranger aux trois dernières œuvres de Sheridan Knowles : l’Amour, — l’Épouse — et la Fille. Knowles dramatise et dialogue habilement des contes qui ne manquent pas d’intérêt. Mais que faire de ces caractères effacés ? quelle valeur attribuer à ces romans invraisemblables ? et comment excuser surtout la teinte uniformément sentimentale, qui, répandue sur tous les personnages comme un glacis factice sur certains tableaux, ne reproduit ni la vérité de la nature, ni celle des passions et des pensées ? Malgré ces défauts, Sheridan Knowles, auteur et acteur, est le plus brillant représentant de cette école sentimentale qui a long-temps régné sur la scène anglaise auprès de la comédie