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LE THÉÂTRE EN ITALIE.

au genre sérieux et à la comédie de caractère. Les pièces traduites et arrangées sont, à peu de variantes près, les mêmes qu’à Florence ; le lieu de la scène et quelques détails de mœurs sont seuls changés. Comme il faut, par exemple, qu’à Rome la bastonnade joue toujours un rôle, on ne manque jamais d’adapter quelques scènes à coups de bâton même aux pièces musquées de M. Scribe. Les pièces franchement bouffonnes, dans lesquelles l’acteur improvise sur un canevas donné et peut se livrer à sa verve, n’ont guère que le mérite de l’imprévu. Ces modernes atellanes sont pleines d’évènemens singuliers, de jeux de mots, de lazzis, de folies plus ou moins divertissantes ; mais on n’y trouve ni développement de caractères, ni progression d’intérêt, ni vraisemblance, ni mœurs ; aussi est-il impossible de voir jouer plus d’une fois ces bouffonneries, même celles qui d’abord nous ont paru les plus amusantes ; l’imprévu seul les rend supportables.

On conçoit cependant que ce genre de comédie ait séduit des gens de goût auxquels il paraissait tout nouveau. Desbrosses, ce spirituel voyageur, lors de son séjour à Rome, en fut en quelque sorte émerveillé. « Cette manière de jouer à l’impromptu, qui rend le style très faible, dit-il, rend en même temps l’action très vive et très vraie. La nation est vraiment comédienne ; même parmi les gens du monde, dans la conversation il y a un feu qui ne se trouve pas chez nous, qui passons pour être si vifs. Le geste et l’inflexion de la voix se marient toujours avec le propos au théâtre ; les acteurs vont et viennent, dialoguent et agissent comme chez eux. Cette action est tout autrement naturelle, a un tout autre air de vérité, que de voir, comme aux Français, quatre ou cinq acteurs rangés à la file sur une ligne, comme un bas-relief, au-devant du théâtre, débitant leur dialogue chacun à son tour[1]. »

Aujourd’hui que nous avons l’analogue de ce genre sur nos petits théâtres de Paris, et que même aux Français des armées d’acteurs qui se démènent avec plus ou moins de furie, et qui crient plutôt qu’ils ne parlent, ont remplacé les quatre ou cinq personnages des bas-reliefs d’autrefois, nous ne pouvons plus être ni si étonnés, ni si amusés.

Le caractère du peuple romain est l’un des plus difficiles à bien étudier, ce caractère variant selon les quartiers de la ville et manquant d’unité. Les habitans des quatorze quartiers de Rome sont divisés aujourd’hui en quatre classes bien distinctes : les Monteggiani,

  1. Desbrosses, Lettres sur l’Italie, tom. II, pag. 255.