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les Romani, les Popolanti et les Trasteveri. Les Monteggiani habitent les Sept-Collines, les Romani le Corso et tout l’ancien Champ-de-Mars, les Popolanti le quartier voisin de la Porte-du-Peuple, et enfin les Trasteveri le quartier situé au-delà du Tibre. Le caractère des Romani et des Popolanti, c’est-à-dire du peuple de la ville neuve, se compose d’un fonds d’énergie, de vivacité, et en même temps de douceur et de politesse qu’il doit sans doute au voisinage et à la fréquentation des étrangers. Les Monteggiani, ou peuple des monts, sont criards et méchans ; le peuple de Trastevere est féroce. — Passa, o mai più non passerai ! (passe vite, ou bientôt tu ne pourras plus jamais passer !) dira en tirant son couteau l’habitant de Trastevere à l’étranger qui s’arrête un moment devant sa maison pour admirer la superbe tête de sa femme ou de sa fille ; l’habitant des monts rassemblera ses compagnons pour le huer ou le poursuivre à coups de pierres ; le boutiquier du Corso l’éconduira avec quelque impatience, se permettant tout au plus une épigramme polie. Les nuances du caractère romain sont également tranchées quand on passe d’une classe à une autre. La populace, dans son ensemble, est grossière, passionnée, énergique, spirituelle. La classe moyenne, ou secondo cetto, qui, à sa tête, a les avocats et les riches marchands, ne manque pas non plus d’énergie ; elle unit à beaucoup de naturel et de simplicité un grand savoir-vivre ; son esprit est extrêmement fin, et son bon sens parfait ; il est vrai qu’elle lit Voltaire en cachette, et que, ne voulant pas se compromettre avec les gens puissans dont elle a besoin, elle doit comprendre et se faire comprendre à demi-mot. Si elle veut se moquer de ces puissans personnages dont elle n’ignore aucun des ridicules, sans cependant qu’il y ait là de petits journaux pour les lui faire connaître, ce ne peut être que d’une façon prudente, modérée, et à l’aide d’allusions détournées. L’esprit de la bourgeoisie est donc plutôt légèrement satirique que décidément méchant. Ces bourgeois de Rome, que nous autres Français nous regardons comme si grossiers, ne traiteront pas de scélérats ou tout au moins de malhonnêtes gens ceux qui diffèrent d’opinion politique avec eux. Ils mettent avec raison l’honnêteté et la probité en dehors des opinions politiques, en dehors même des opinions religieuses ; ils connaissent trop la vanité de ce qu’on appelle des opinions. L’exemple des hautes classes de la société n’est pas non plus perdu pour eux. Pour ma part, je dois l’avouer, j’ai plus d’une fois été surpris de la modération des personnages les plus influens de ces hautes classes, et de l’indulgence de bon goût qu’ils montrent à