d’œuvre[1], repris uniquement pour faire briller les avantages personnels des protagonistes, fussent interpolés, abrégés ou étendus[2], et qui pis est, corrigés[3] et rajeunis[4] par ces nouveaux diacevastes ou rhapsodes dramatiques[5]. La profanation en ce genre alla même si loin que la législation dut intervenir. L’orateur Lycurgue fit passer un décret qui ordonnait que les tragédies d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide fussent transcrites aux frais de l’état ; que le secrétaire de la ville les lirait aux acteurs, et qu’il ne serait pas permis à ceux-ci, en les représentant, de s’écarter de cette copie[6]. Ce décret, dont malheureusement l’autorité ne pouvait pas s’étendre au-delà du territoire de l’Attique, eut au moins l’avantage de faire établir un texte authentique des œuvres des trois grands tragiques, précieux exemplaire qui, au rapport de Gallien, passa, par un stratagème de bibliophile peu délicat, des archives d’Athènes dans la bibliothèque des Ptolémées à Alexandrie[7]. Nous voyons encore que, pour encourager les concours entre comédiens, le même Lycurgue fit décréter que les droits de citoyen d’Athènes seraient conférés à tout acteur étranger qui obtiendrait le prix à la fête des Chystes[8]. Cette ère nouvelle du théâtre grec est, à proprement parler, l’ère des acteurs, comme la précédente avait été l’ère des poètes.
Par suite de cette substitution des protagonistes-directeurs aux droits et aux fonctions d’abord exercés par le poète, il s’établit des rapports tout-à-fait nouveaux entre les chorèges et les acteurs. Jusque-là les comédiens n’avaient eu rien à demander aux chorèges. Mais se trouvant, dans les reprises d’anciennes pièces, substitués aux lieu et place du poète, ils durent recevoir comme lui du chorège un
- ↑ Outre les ouvrages des trois grands tragiques, on rejouait aussi les chefs d’œuvre de la comédie moyenne, entre autres, le Démétrius d’Alexis. Athen., lib. XIV, pag. 663. C.
- ↑ Schol., in Euripid. Orest., v. 1372. — Lycon, jouant une comédie devant Alexandre, intercala un vers dans son rôle pour solliciter la libéralité de ce prince et réussit. Plutarch., Alex., cap. XXIX.
- ↑ Quintill., lib. X, cap. I.
- ↑ À Sicyone, du temps d’Alexandre, Néophron remit à la scène la Médée d’Euripide, et l’inséra corrigée et rajeunie dans ses propres œuvres. Argum. in Med. — Diog. Laert., lib. II, § 134.
- ↑ Athen., lib. XIV, ibid. — Le bon abbé de Saint-Pierre, dans un mémoire où il cherche les moyens de rendre les spectacles plus utiles à l’État, propose de créer les charges de premier poète tragique et de premier poète comique. Ces fonctionnaires auraient eu mission de rajeunir, tous les cinquante ans, et surtout de retoucher dans l’intérêt des mœurs les anciens chefs-d’œuvre dramatiques.
- ↑ Pseudo Plutarch., Vit. Xorat., Lycurg., pag. 841, F. — J’adopte la correction de Grysar.
- ↑ Galen., Comment. in III Epidemic. Hippocrat., pag. 411, Basil., ann. 1538.
- ↑ Pseudo Plutarch., Vit. X orat., Lycurg., ibid.