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DE LA MISE EN SCÈNE CHEZ LES ANCIENS.

chœur muni de tous ses accessoires. Cette remarque peut servir à éclaircir un passage fort controversé de Plutarque[1]. Cet écrivain raconte dans la Vie de Phocion qu’un acteur tragique, jouant un rôle de reine, réclama vivement d’un chorège récalcitrant une escorte de suivantes pour son entrée en scène. Il faut supposer ou que le tragédien était lui-même l’auteur de l’ouvrage, ce qui est peu probable, ou qu’il concourait dans la reprise d’une pièce ancienne, ce que je crois. Plutarque, il est vrai, place cette anecdote au jour où l’on jouait à Athènes les tragédies nouvelles ; mais il n’a probablement voulu, par cette expression consacrée, que désigner l’époque où se donnaient ordinairement à Athènes les représentations scéniques.

Cette révolution dans les rapports des poètes et des comédiens imposa de nouveaux devoirs aux archontes. Ce ne fut plus assez pour ces magistrats de veiller à ce que les tribus fissent choix d’un poète et d’un chorège ; ils durent, pour assurer la célébration des fêtes qui exigeaient des représentations dramatiques, passer à l’avance des traités avec un nombre suffisant de protagonistes-directeurs. Ceux-ci, même quand ils étaient citoyens d’Athènes, pouvaient aller avec leur troupe donner des représentations dans d’autres villes[2], y compris les villes ennemies[3] ; mais une fois engagés, ils devaient, sous peine d’amende, être de retour pour les fêtes panathénaïques et dionysiaques. Le tragédien Athénodore ayant été retenu à la cour d’Alexandre, apprit qu’il avait été condamné à une forte amende que le monarque paya généreusement de ses deniers[4]

Dans les autres villes on prenait des précautions semblables pour ne pas manquer de comédiens. Démosthène, ayant fait comprendre Aristodème dans une ambassade envoyée à Philippe, fit, en même temps, expédier dans les villes où cet acteur devait jouer, des députés chargés de le faire relever des amendes qu’il aurait encourues par son absence[5].

Cependant les troupes d’acteurs qui suivaient un protagoniste et

  1. Grysar s’autorise à tort de ce passage pour soutenir que les chorèges fournissaient à la dépense des comédiens. De tragœd. circ. temp. Demosthen.
  2. Quelquefois même de pauvres tritagonistes ou deutéragonistes, tels qu’Ischander, Socrate et Simylus, dont se raille Démosthène, devenaient chefs de comédiens encore plus misérables qu’eux et parcouraient ensemble les villages (Demosth., De fals. legat., pag. 344, Reisk.). Eschine joua ainsi dans les bourgs de l’Attique. Demosth., Pro coron., pag. 314.
  3. Secundum argum. in Demosth., De fals. legat., pag. 335, Reisk.
  4. Plutarch., Alexand., cap. XXIX.
  5. Æschin., De fals. legat., pag. 202.