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DE LA MISE EN SCÈNE CHEZ LES ANCIENS.

près de Vienne, sur le chemin de Lyon[1], prouve qu’il y avait en ce lieu une compagnie ou synode de comédiens asiatiques[2], qui s’étaient fait préparer une sépulture. Tous ces colléges étaient, comme les scholæ gladiatoriæ, placés sous la protection d’une divinité païenne, presque toujours Apollon, Vénus ou Bacchus. Nous avons vu qu’à Athènes la confrérie des artisans de Bacchus possédait, outre une habitation commune, κοινὸν, un terrain et un bois sacrés, où, en certains jours, on faisait des sacrifices, des libations, des repas et des prières. De là les titres de ἱερεύς, άρχιερεὺς συνοδοῦ, que recevaient par élection quelques-uns des membres de ces colléges[3], et la qualification qui se rencontre si fréquemment sur les monumens[4], et dans les écrivains des premiers siècles, de Jovis, Phœbi ou Apollinis parasitus et sacerdos. Martial termine ainsi l’élégante épitaphe du célèbre mime Latinus :

Vos me laurigeri parasitum dicite Phœbi,
Roma sui famulum dùm sciat esse Jovis
.

On lit dans une petite pièce de l’Anthologie romaine :

Adlectus scenæ, parasitus Apollinis idem[5].

Les mots adlectus scenæ prouvent qu’on inscrivait à Rome sur un registre, in albo[6], les noms de tous les membres de la confrérie dionysiaque. On peut voir sur quelques monumens la liste des adlecti scenicorum qui se trouvaient réunis dans une même ville[7]. De cette organisation semi-hiératique, toute naturelle en Grèce, il résulta, dans les contrées soumises aux lois et aux mœurs romaines, une contradiction frappante que n’ont pas manqué de signaler les adversaires de la société païenne. Saint Augustin et tous les pères de l’église s’étonnent sans cesse que pendant que les lois de Rome notent d’infamie quiconque monte sur la scène, les acteurs de tout ordre, réunis en congrégation, aient droit de se parer des plus hauts titres de la hiérarchie religieuse.

De plus, les colléges scéniques et gymniques avaient des archives et même des sceaux, sur lesquels était gravée l’effigie des princes

  1. Académ. des Inscript., tom. XIV, hist., pag. 109.
  2. Scenici Asiaticiani. Millin croit qu’il s’agit de la troupe d’Asiaticanus. Voy. dans le midi de la France, tom. II, pag. 21 et suiv.
  3. Grut., Inscript., pag. 313, 8, et 1089, 6. Cf. Wesseling., in Diod., tom. I, pag. 251.
  4. Grut., Inscript., pag. 330, 2, 3. — Ficoron., Le maschere sceniche, pag. 74. — Murator., Inscript., tom. II, pag. 659, 1.
  5. Burmann., Anthol. Rom., tom. II, pag. 26.
  6. Sueton., Ner., cap. XXI.
  7. Grut., Inscript., pag. 330 et 1089, 9.