politiques, civiles et religieuses auxquelles elle a droit. L’Irlande, disent ces écrivains, a un sol fertile, une population intelligente, des ports magnifiques, des voies de communication nombreuses et perfectionnées. De plus, les salaires y sont à très bas prix, et promettent sur la main-d’œuvre une notable économie. Que lui manque-t-il donc pour que les capitaux anglais viennent s’y fixer ? Un peu de repos et de sécurité. Or, le jour où l’Irlande n’aura plus de plaintes à faire, ce repos et cette sécurité renaîtront.
Tous ceux qui prennent intérêt au sort de l’Irlande voudraient que cette opinion fût fondée ; mais il est deux circonstances importantes dont on ne tient pas compte. D’abord, les mauvaises habitudes et les vices qu’ont engendrés plusieurs siècles d’oppression ; ensuite et surtout la misère qui résulte de l’excès de la population et les désordres qui en sont la conséquence. Pour que les capitaux prennent confiance et viennent rétablir l’équilibre entre la population et les moyens de subsistance, il faut, tout le monde le sent et le dit, de la sécurité ; mais pour que la sécurité se rétablisse, il faut que les moyens de subsistance ne soient plus, comme ils le sont aujourd’hui, insuffisans pour la population. Il y a là un cercle vicieux dans lequel on peut tourner bien long-temps.
Pour ma part, je ne crois pas que l’Angleterre puisse en être quitte à si bon marché. Cette Irlande si pauvre et si turbulente, c’est l’Angleterre qui l’a faite. N’est-il pas juste que l’Angleterre vienne aujourd’hui à son aide, et contribue, autrement que par des vœux stériles et de bons conseils, à relever un peuple qui lui doit tous ses maux ? N’est-il pas juste, en un mot, que si les capitaux libres reculent devant l’état incertain et agité de l’Irlande, l’Angleterre y supplée à l’aide de capitaux puisés dans le trésor public ? Et qu’on ne dise pas que faire intervenir le trésor public dans des opérations agricoles et industrielles, c’est violer toutes les lois de l’économie politique. La réponse est excellente en Angleterre, où, à la faveur de lois bienfaisantes, une population industrieuse et libre travaille depuis plusieurs siècles à accroître la richesse nationale. Elle est détestable en Irlande, où les lois, jusqu’à ces dernières années, n’ont eu d’autre but que d’étouffer toute activité et toute prospérité. Il y a peu d’années, l’Angleterre s’imposait la somme énorme de 500 millions pour racheter ses esclaves et se mettre en mesure de reconstituer sans injustice la société coloniale. Croit-on qu’elle n’ait pas autant à réparer envers l’Irlande qu’envers les colonies ? et huit millions d’Irlandais pèseraient-ils moins dans la balance que quelques cent mille esclaves et colons ?