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au guerrier de haute taille, il faut un bouclier proportionné à sa stature ; tout bouclier serait bon pour un nain. L’irresponsabilité du roi, c’est la monarchie tout entière. Il n’est d’hommes éminemment monarchiques que ceux qui ne veulent rien négliger de tout ce qui peut couvrir la personne inviolable et sacrée du monarque.

Mais encore une fois, nous espérons que ces débats spéculatifs cèderont bientôt la place à la discussion des affaires urgentes et positives du pays.

C’est par la discussion des affaires, par l’habileté et le soin que le ministère y apporte, que doit se former peu à peu cette majorité si nécessaire aux intérêts de la France. Les passions s’amortiront dans ces débats étrangers à la politique proprement dite et aux intérêts personnels.

Le ministère a montré une juste sollicitude pour l’industrie des chemins de fer. Il était en effet déplorable de voir ces grandes entreprises paralysées en France, tandis qu’elles prennent, dans tous les états qui nous environnent, un essor de plus en plus élevé. Deux systèmes s’offraient au ministère pour venir en aide aux compagnies, celui d’une garantie d’intérêts et celui d’une subvention qui ferait participer le gouvernement à l’entreprise elle-même. M. Jaubert a préféré avec raison le système de la participation à celui de la garantie d’intérêts. Entre autres motifs, il en est un qui nous paraît décisif.

Ce qui entrave ces associations industrielles, c’est que les fondateurs ont compté sur un capital disponible supérieur aux forces réelles du marché. Rien n’est plus difficile que d’évaluer avec quelque exactitude le montant des capitaux qui cherchent un emploi. Et lorsqu’un grand mouvement industriel s’opère sur plusieurs points à la fois, les prévisions sont d’autant plus trompeuses, que chaque compagnie concentre son attention sur son entreprise, et ne tient guère compte de toutes les autres demandes de capital qui retentissent en même temps sur le marché national et sur les marchés étrangers. Le gouvernement, par ses subventions, diminue le capital que l’entreprise est obligée de demander à ses actionnaires, et bien que la subvention soit puisée dans l’impôt, et par cela même dans le capital national, l’effet n’est pas le même que celui d’une demande directe adressée aux actionnaires. La somme fournie par l’état se compose de quantités minimes fournies par chaque contribuable. C’est comme si une compagnie, au lieu de demander 1,000 fr. à une seule personne, pouvait demander 20 sous à mille personnes. C’est une manière de perception et de versement que l’état peut seul effectuer.

La conversion de la rente, la loi des sucres, le privilége de la banque, doivent également occuper les chambres ; nous parlerons plus tard de ces importans projets.

À l’extérieur, la question d’Orient paraît toujours au même point. La France demeure fidèle à sa politique, et la prolongation du statu quo en rend le succès de plus en plus probable. Le temps ne peut que consolider ce qui est ; il ajoute sa sanction au droit du possesseur ; il affaiblit les ressentimens et les espérances