quise, l’Irlandais un vaincu, le catholique un esclave. « Que parle-t-on d’égalité entre les Anglais et les Irlandais ? s’écrie superbement dans la chambre des lords lord Lyndhurst, chancelier du ministère tory. Les Irlandais ne nous sont-ils pas étrangers par la race, par la langue et par la religion ? » « Je le répète après mûres réflexions, dit à Cantorbéry M. Bradshaw, membre de la chambre des communes, les Irlandais, prêtres et laïques, pairs et paysans, sont les ennemis nés de l’Angleterre, bigots sauvages, moins civilisés que les indigènes de la Nouvelle-Zélande. » Et ces audacieuses paroles, après avoir excité des applaudissemens frénétiques, trouvent un écho bruyant dans toutes les parties du pays !
On peut prétendre à la vérité que de tels sentimens sont ceux d’une minorité impuissante. Il n’en est point ainsi néanmoins. Ce qui le prouve, c’est qu’aux dernières élections encore, la lutte s’est partout, en Angleterre, engagée sur ce terrain, et qu’en définitive l’opinion de lord Lyndhurst et de M. Bradshaw a obtenu la majorité. On adressait bien au ministère, en passant, quelques reproches sur sa conduite au dehors et au dedans, indépendamment de la question irlandaise ; mais, dès que cette question apparaissait, elle absorbait toutes les autres. N’est-ce pas encore la question irlandaise qui, pendant le dernier intervalle des sessions, a défrayé tous les journaux, tous les meetings, tous les dîners politiques ? N’est-ce pas cette question qui a soulevé contre le ministère, et même contre la reine, des colères si véhémentes ? En appelant à de hautes fonctions trois catholiques, parmi lesquels M. Shiel, le ministère et la reine avaient commis un nouveau crime, un crime indigne de pardon. Aussi toutes les tribunes et toutes les chaires s’en sont-elles émues, et n’ont-elles cessé, pendant trois mois, de vomir l’invective et de lancer l’anathème. Lord Melbourne est ainsi devenu un Judas, et la reine une Jésabel. Enfin la société de la réforme protestante, présidée par lord Wharncliffe, a prescrit un jeûne universel, en expiation d’un si funeste évènement.
Telles sont les fureurs que suscite la politique des whigs, quand cette politique se borne à assimiler, autant que possible, l’Irlande à l’Angleterre, et à traiter les catholiques comme les protestans. Qu’on juge de celles qui naîtraient si les whigs voulaient s’en prendre à la fois à l’aristocratie et au clergé ! Je ne crains pas de prédire qu’il y aurait en Angleterre un soulèvement presque général contre une si audacieuse tentative. Tout ce que l’Irlande peut demander aux whigs, c’est donc de continuer à la gouverner, comme ils l’ont fait jusqu’ici, avec prudence et impartialité ; c’est aussi de se servir des forces du