Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/436

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
432
REVUE DES DEUX MONDES.

emporium, ce grenier d’abondance de l’antiquité, ne devait pas être un pays de détresse et de famine, ce terroir qui rend avec une si généreuse usure ce qu’on lui prête, cette île qui produit le miel, la canne à sucre, le mûrier, le coton, le tabac, le chanvre, les céréales des deux mondes, où abondent toutes les richesses minérales, ne peut devenir une lande inculte, une terre incapable de nourrir ses habitans, sans que toutes ses destinées ne soient trahies. J’ajoute que le peuple sicilien est fier, hardi, brave, et au niveau des populations les plus naturellement intelligentes ; qu’il n’est pas faux ; qu’il n’est pas cruel, comme on l’a dit, mais seulement abandonné et malheureux. En songeant à lui, en soulageant ses misères, on le rendra à son caractère véritable, et on le fera pencher vers l’Europe, dont le plus beau, le plus noble sang coule dans ses veines, au lieu d’exciter les penchans qui lui viennent encore de l’Afrique, sa plus ancienne patrie. Naples doit à la Sicile ses plus vaillans officiers, ses meilleurs marins ; elle reçoit de la Sicile une partie des ressources dont elle dispose ; elle se doit donc de chercher les causes de l’infortune de ce pauvre peuple, son frère, d’en trouver le remède et de lui rendre le rang qui lui appartient dans l’union des deux états. Un pays où les souverains de Naples ont trouvé deux fois un asile, qui les accueillit avec respect dans leur infortune, ne doit pas, d’ailleurs, être placé dans leurs affections au-dessous de leurs autres domaines. La Sicile ne l’est pas, en effet, j’en suis convaincu, mais je ne puis nier qu’elle attend encore des témoignages efficaces de la sollicitude de son gouvernement, et comme elle les mérite, comme c’est un double devoir que de les lui accorder dans la plus grande latitude, comme une bonne politique commande de faire cesser ses maux, j’espère pour elle un meilleur avenir ; je sais déjà même que depuis deux années elle a été l’objet de mesures bienfaisantes de la part du roi Ferdinand. Pour moi, voyant les malheurs et les excès de la Sicile en 1837, je n’ai pas tout attribué, vous le savez, à son gouvernement, et dans les deux lettres que je vous ai adressées, j’ai su faire la part des circonstances antérieures, du déplacement des intérêts produits par des réformes ou hâtives ou incomplètes, et des craintes qu’inspirait à certaines puissances la situation géographique, je devrais dire politique, de la Sicile. D’un autre côté, appréciant de près les causes de l’insurrection sicilienne, ses ressources et ses tendances ; la voyant dominée par quelques soldats suisses, désarmée sans difficulté d’un bout à l’autre de l’île ; ayant trouvé, le lendemain de cette révolte, les haines de ville à ville aussi actives qu’au temps de la domination espagnole, les diverses classes