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LA SICILE.

ment depuis peu de temps, n’ouvrait une voie honorable aux accommodemens. Je dis que cette voie est aujourd’hui ouverte, car je ne puis douter que la modération montrée depuis un an par la France dans cette question où ses intérêts sont engagés, n’ait frappé le gouvernement de S. M. le roi des Deux Siciles, et ne le décide à accepter de son côté notre médiation.

Toutefois, en prévoyant le cas, très peu probable, d’un refus de ce genre, et le cas, alors très probable, quoique non justifié à mes yeux, d’une agression de la part de l’Angleterre, je ne verrais pas dans ce double évènement la cause d’une perturbation grave et immédiate en Europe. On s’est souvent demandé, dans les hautes sphères politiques, ce qui résulterait d’un soulèvement de la Sicile, et les cabinets européens ont été un moment préoccupés de cette question lors des révoltes qui eurent lieu à Palerme, à Catane et à Syracuse, à l’époque où le choléra ravagea ce malheureux pays. On appréhendait que l’envoi d’une partie de l’armée napolitaine en Sicile ne fût suivi de troubles au sein même du royaume de Naples, et que l’Autriche, liée par un traité secret au gouvernement napolitain, ne fît avancer ses troupes par les Abruzzes, ou n’opérât un débarquement dans un des ports adriatiques du royaume, d’où, en vertu du principe de non-intervention, il aurait pu résulter un débarquement de troupes anglaises à Palerme ou à Syracuse, sans parler de la conduite que de pareils faits eussent dictée à la France. Vous voyez, monsieur, qu’indépendamment des difficultés survenues entre Naples et l’Angleterre, un simple petit soulèvement sicilien mal comprimé peut mettre la paix du monde en péril. Maintenant, vous me demanderez sans doute si la Sicile est prête à se soulever, et si les mécontens qui s’y trouvent profiteraient de la présence de quelques vaisseaux anglais pour arborer le drapeau jaune, qui fut levé contre le gouvernement napolitain en 1837 ? À cela, je vous répondrai que je ne me mêle pas de prophétiser en politique, comme faisait mon aimable et si regrettable ami feu le spirituel abbé de Pradt, mais qu’à mon avis, si j’ai bien observé la Sicile à cette époque-là même où je la visitai, et à moins que l’Angleterre ne le veuille formellement, ce que je ne puis admettre, l’Europe, cette fois, ne sera pas troublée de ce côté. Je vais me hâter de vous dire les motifs de ma sécurité à cet égard, et de vous les faire partager, s’il est possible.

Je commence par dire que la Sicile est digne du plus vif intérêt. Il suffit de la parcourir pour voir que Dieu, qui l’a déposée si belle entre trois mers propices, l’a faite pour être paisible et prospère. Ce riche