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AVENIR DE NOTRE MARINE.

l’Angleterre rencontre aussi son commerce qui s’identifie toujours avec les intérêts généraux du pays, et qui rend en ressources ce qu’on lui accorde en protection. Le commerce anglais, aidé du concours de l’état, a frayé la voie à la navigation transatlantique. En 1841, il aura, sur les diverses lignes de l’Océan, 34 bâtimens à vapeur d’une force de 15,438 chevaux, et qui peuvent être regardés, à cause de leurs dimensions, comme autant de navires de guerre[1]. Si donc on voulait développer ce côté de la question, les faits ne manqueraient pas plus que les argumens ; mais notre vue est ailleurs.

Si l’on modifie la science navale, il faut se garder de retomber dans les erreurs du passé. Pour tout homme de sens, n’est-ce pas un douloureux spectacle que celui de ces vaisseaux et de ces frégates qui ont pourri dans nos ports et sur nos chantiers, sans avoir vu seulement la mer, sans avoir rendu le moindre service ? Au bout de vingt cinq ans et même moins, un bâtiment est perdu ; il est à fondre ou à refaire[2]. La coque du Friedland, qui vient d’être lancé à Cherbourg, a été renouvelée trois fois : ce vaisseau seul nous coûte déjà 3 millions. On ne peut pas évaluer à moins de 200 millions le total de ce matériel sans cesse dépérissant, sans cesse renouvelé. Jamais la fable du tonneau des Danaïdes ne trouva une application plus vraie. Dans l’état des habitudes et des traditions, ce sacrifice est nécessaire, nous le savons ; il est compris au nombre de ceux que la France fait à sa grandeur et à son repos. Mais doit-il être éternel ? Voilà ce qu’il est

  1. Ces paquebots se distribuent ainsi qu’il suit : — 4 appartenant à la compagnie Clunard, de 420 chevaux de force chaque, desservant la ligne de Liverpool à Halifax, avec une subvention de un million et demi ; — 20 appartenant à la grande compagnie des banquiers, sur lesquels 2 de 300 chevaux, allant de Glasgow à Boston, 13 de 400 chevaux, desservant la ligne de Falmouth ou Southampton à l’Amérique centrale, la Havane, le Mexique, la Nouvelle-Orléans et la Jamaïque ; — 5 à 500 chev., allant de Londres à Alexandrie et de Londres aux Indes orientales, le tout avec une subvention annuelle de 6 millions. — Les autres steam-ships sont : Great-Western (450 chev.), British-Queen (500 chev.), Liverpool (460 chev.), New-York (600 chev.), United-Kingdom (600 chev.), President (600 chev.), Company of New-York, paquebot en fer (700 chev.), Cleopatra, à la compagnie des Indes (400 chev.), Queen of the East, Vernon (220 chev..), Victoria (500 chev.).

    Outre ces gros bâtimens, l’Angleterre compte 500 paquebots de petite dimension sur son littoral ou sur ses fleuves, présentant un tonnage total de 175,630 tonneaux et une force collective de 68,145 chevaux.

  2. Nous avons en ce moment en refonte 121 bâtimens de guerre ; la valeur des coques, supposées neuves, est de 29,376,000 fr. On compte parmi ces bâtimens 8 vaisseaux, 18 frégates, 13 corvettes ; les autres sont des bâtimens d’un ordre inférieur. La somme consacrée à leur restauration, en 1840, est de 723,000 fr.