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M. Cousin a fait un pas de plus dans la route qu’il a courageusement et nouvellement ouverte. La fondation d’une université à Rennes est une large et belle conception. C’est une pensée à la fois singulière et mesquine que celle d’isoler les diverses facultés, de rompre ainsi violemment, je dirai presque à coups de hache, les liaisons naturelles qui rattachent les unes aux autres toutes les connaissances humaines, et de ne permettre qu’aux habitans de Paris des études systématiques et complètes.

Le projet de M. Cousin ne doit point alarmer ceux qui, comme nous, désirent maintenir dans toute sa vigueur le principe salutaire et fécond de la centralisation. La centralisation ne doit pas se réaliser par l’absorption dans Paris de tout ce qu’il peut y avoir de vie, d’énergie dans les départemens. Qui voudrait d’une tête énorme sur un corps amaigri, épuisé, sans vie ? Ce que nous voulons, c’est qu’il n’y ait rien dans les provinces qui, par son indépendance absolue et son excentricité, puisse briser ou seulement affaiblir notre admirable et puissante unité nationale. Ce que nous voulons, c’est que la France soit une, toujours une, qu’elle décide, qu’elle agisse, qu’elle se lève au besoin comme un homme. Et il faut pour cela que toutes les parties soient également robustes et satisfaites. Le premier fondement de l’unité, c’est l’harmonie des ames et le contentement des esprits. Que la capitale, que la ville française par excellence, s’élève et grandisse des efforts, du concours de la France entière, c’est bien ; mais Paris doit à son tour repousser dans les canaux de l’état les sucs nutritifs élaborés au foyer de la civilisation française. Les congestions cérébrales tuent ; la circulation régulière anime et entretient la vie.

Nous espérons que M. le ministre de l’instruction publique ajoutera un nouvel intérêt aux améliorations importantes qu’il a déjà faites dans les écoles de droit, en se concertant avec M. le garde-des-sceaux pour trouver le moyen de fixer, dans une juste mesure, l’attention du gouvernement sur ceux des licenciés et docteurs en droit qui auraient obtenu les premiers prix dans les concours ouverts devant les facultés.

Nos relations extérieures se ressentent de l’action combinée de deux hommes éminens, M. Thiers et M. Guizot.

M. Guizot a obtenu en Angleterre tout le succès qui était dû à ses rares talens, à l’élévation de son caractère, à sa haute renommée. Et nous savons que M. le président du conseil, avec cette noble impartialité qui n’appartient qu’aux hommes supérieurs, se plaît à parler avec effusion et spontanéité des services que rend au pays l’illustre représentant de la France à Londres.

C’est la question de Naples qui préoccupe le plus les esprits dans ce moment. L’Angleterre n’a pas perdu de temps ; on ne met pas tant de façons avec les faibles : les croiseurs anglais ont déjà capturé plusieurs navires napolitains. Espérons que l’intervention tout amicale de la France fera cesser cette méchante querelle, d’autant plus facilement que le bon droit, dans toute sa plénitude, ne se trouve d’aucun côté.

Le soufre est un monopole naturel de la Sicile, et c’est une denrée essen-