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REVUE. — CHRONIQUE.

tiellement destinée à l’exportation. Le soufre paraissait au gouvernement de Naples une excellente matière imposable ; il avait raison. Mais, pour établir un nouvel impôt frappant sur la Sicile, le roi aurait dû convoquer le parlement, et réveiller ainsi l’esprit, le désir de ces institutions si indignement escamotées à la Sicile dans les saturnales diplomatiques de 1815.

N’osant pas établir l’impôt motu proprio, le roi a essayé de tourner la difficulté, il a prêté l’oreille aux offres d’une compagnie sur les origines de laquelle il serait inutile d’entrer ici dans plus de détails, et moyennant une somme assez considérable et certaines stipulations mises à la charge de cette espèce de ferme des soufres, il lui a octroyé le monopole.

Le prix du soufre, par une conséquence naturelle, s’est élevé rapidement. Le soufre entre aujourd’hui comme matière première dans les industries les plus considérables, et le commerce ne trouve guère de soufre qu’en Sicile. Le prix du monopole et les profits de la compagnie retombent naturellement à la charge des consommateurs, qui ne peuvent se passer de cette denrée, ni en diminuer l’emploi. Ajoutons que la compagnie en exportait, dit-on, un tiers de moins qu’il n’en était exporté avant le monopole.

Dans cet état de choses, tout le monde, la compagnie exceptée, avait le droit de se plaindre, de représenter au roi de Naples les conséquences fâcheuses, et au point de vue politique, et au point de vue économique, d’une mesure dont le profit se bornait à quelques centaines de mille francs versés dans son trésor. Tout le monde pouvait faire au gouvernement de Naples les représentations amicales qu’on pourrait faire à la France, s’il nous prenait fantaisie d’accorder à une compagnie le monopole du vin de Bordeaux ou du vin de Champagne.

Mais nul n’aurait le droit de contraindre la France à révoquer la mesure. Les vignobles de la Champagne et du Bordelais seraient tout entiers la propriété de Prussiens, d’Anglais, d’Espagnols, que les gouvernemens de Prusse, d’Angleterre et d’Espagne n’auraient aucun droit d’intervenir dans notre législation et de nous forcer à la modifier. Et certes, si en pareil cas on nous faisait des sommations semblables à celles que M. Temple paraît avoir adressées au roi de Naples, la France, quel que vif que soit le désir de ne pas interrompre la paix du monde, n’aurait répondu que par un refus très sec et ensuite par des coups de canon.

Sur quoi se fonde la prétention de l’Angleterre à l’égard de Naples ? Sur la force brutale ? Nous n’osons pas le dire, mais nous dirons qu’elle nous paraît se fonder sur une erreur.

Dans un traité de 1816, l’Angleterre a stipulé que les Anglais jouiraient en Sicile du traitement réservé aux nations les plus favorisées, qu’ils pourront y acquérir, y posséder, vendre et disposer de leurs biens, comme les nationaux. Qu’est-ce que cela prouve ? Il y a cent traités en Europe où se trouve cette clause qui est de style. Si on voulait l’entendre comme les Anglais l’interprètent aujourd’hui, il n’y a pas un état en Europe qui fût