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encore maître chez lui, arbitre suprême de ses intérêts et de sa législation ; il n’y en a pas un qui, avant de prendre une mesure de finances quelconque, ne dut consulter très humblement les gouvernemens avec lesquels il aurait traité, et leur demander la permission de modifier ses lois. À ce point de vue, la question est très grave, car il s’agit d’un précédent qui n’intéresse pas seulement l’état de Naples, mais toutes les nations qui tiennent à leur autocratie, à leur indépendance, à leur dignité. La clause en question n’est qu’une clause de droit d’aubaine ; l’Angleterre a stipulé, comme c’est l’usage aujourd’hui, que les Anglais seraient capables de posséder, d’acquérir, d’hériter, de disposer de toutes sortes de biens en Sicile, sans avoir à craindre ni aubaine, ni détraction, ni aucune de ces vexations que l’ancien droit prodiguait aux étrangers.

Ainsi le roi de Naples a commis une lourde faute d’administration en établissant un aussi étrange monopole : l’Angleterre pouvait lui faire des représentations diplomatiques comme à un ami qui se trompe, la France le pouvait ainsi que tout gouvernement ayant des relations commerciales avec Naples ; mais nul n’avait droit de contrainte. Il n’y avait pas motif légitime de capture et de guerre.

Cependant le roi de Naples, il est juste de le dire, a nui lui-même à sa cause et donné à l’Angleterre des motifs légitimes de plainte. On dit qu’après les premières représentations et sous le ministère du duc de Cassaro, le gouvernement de Naples aurait promis de révoquer le monopole. Mais on ajoute qu’au moment d’accomplir la promesse, un changement fort brusque, et que nous ne pouvons approfondir, eut lieu dans le cabinet de Naples ; la révocation du monopole fut refusée : on sait le reste.

Si ces faits sont vrais, l’Angleterre a un droit incontestable, non le droit primitif qu’elle réclame, mais le droit d’obtenir satisfaction pour une promesse qui lui a été faite et qui n’a pas été tenue. Son droit ne date pas de 1816, mais du jour où l’on se serait joué de son ministre et de son gouvernement. Son droit n’est pas d’intervenir dans la législation et l’administration de la Sicile, mais d’obtenir une réparation. Qu’on la lui donne sous forme d’indemnité, qu’on la lui donne en révoquant le monopole ; c’est là sans doute le sujet de la négociation. Et comme nous le disions, la négociation doit réussir par cela même que nul n’a de son côté le droit tout entier ; c’est alors que les transactions sont possibles et faciles