Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/572

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
568
REVUE DES DEUX MONDES.

supportât pas en face de telles vérités et qu’il fallût toujours une certaine dose de jeune premier dans l’amoureux. Quelle est la dose précise de lieu-commun qui est nécessaire, au théâtre, pour faire passer une nouveauté ? Voilà le point important du métier. Messieurs tels et tels le savent. Je m’imagine que c’est la haine de tout lieu-commun qui a détourné du théâtre un des talens les plus foncièrement dramatiques et les plus réels à la fois, M. Mérimée.

À la scène, comme au reste dans les romans, le dénouement n’est presque jamais celui de la vie. Cosima elle-même m’en offre un exemple, et, en assistant au dénouement, je me disais : Non, Cosima dans la vie ne s’empoisonnerait pas encore à ce moment-là ; elle céderait, elle s’enfuirait avec l’homme indigne, avec l’amant exécrable, et ce ne serait que quinze jours après que, repentante, éperdue, ayant épuisé l’illusion jusqu’à la lie, elle se donnerait la mort. — Il est vrai que si Cosima se tue à ce moment dans le drame, c’est parce que la faute en son cœur était consommée.

Le nom de l’auteur, proclamé à la fin au milieu des applaudissemens, a réduit à néant les quelques murmures passagers et comme honteux d’eux-mêmes qui s’étaient çà et là essayés. Quand le succès d’une pièce est contesté, c’est d’ordinaire au moment où l’acteur parvient à nommer l’auteur, que l’explosion du conflit est la plus forte. Ici l’acteur, aussitôt même entendu, n’a eu qu’à jeter au public le pseudonyme retentissant. On a compris du moins que, devant le masque à demi levé, l’entier respect recommençait, et que ce nom-là, pour tous, en ce temps-ci, c’était une gloire.

Il importe qu’aux prochaines représentations les acteurs aillent plus vite, se concertent mieux, que la pièce semble rapide comme elle doit l’être, et qu’en gagnant d’ensemble, elle ne perde pas non plus ses meilleurs mots et ses finesses


S.-B.

V. de Mars.