Débrouillez tout cela si vous pouvez. Pour moi, grace à Pieu, je commence à me soucier assez peu de ce qui peut se passer en moi, et veux enfin me démêler de moi-même en plantant là cette psychologie qui est un mot disgracieux et une manie de notre siècle. »
Il avait pourtant la conscience de son génie, car il dit quelque part :
« Je ne tirerai jamais rien de bon de ce maudit cerveau où cependant, j’en suis sûr, loge quelque chose qui n’est pas sans prix ; c’est la destinée de la perle dans l’huître au fond de l’Océan. Combien, et de la plus belle eau, qui ne seront jamais tirées à la lumière ! »
Ailleurs, il se raille lui-même et sans amertume, sans dépit contre la gloire qui ne vient pas à lui, et qu’il ne veut pas chercher.
« Vous voulez donc que j’écrive quelque folie sur ce fol de Benvenuto ? Ce ne sera que vision d’un bout à l’autre. Ni l’art, ni l’histoire ne s’en trouveront bien. Je n’ai pas l’ombre d’une idée sur l’idéal, et l’histoire ne connaît point de galant homme plus ignorant que moi à son endroit. N’importe, je vous obéirai. N’êtes-vous pas pour moi tout le public et la postérité ? Mais ne me trouvez-vous pas plaisant avec ce mot où sont renfermés tous les hommes à venir qui se transmettront fidèlement de l’un à l’autre la plus complète ignorance du nom de votre pauvre serviteur ? Je veux dire que je n’aspire qu’à vous, à votre suffrage, et que je fais bon marché de tout le reste, la postérité comprise, pour être aussi sage que le renard gascon. »
Une seule fois il exprime la fantaisie de se faire imprimer dans une Revue « pour battre un peu monnaie, » et presque aussitôt il abandonne ce projet en disant : « Mais je n’ai dans la tête que des sujets insensés !… Hélas, rien n’est beau comme l’idéal ; mais aussi quoi de plus délicat et de plus dangereux à toucher ! Ce rêve si léger se change en plomb souvente fois dont on est rudement froissé. Je finirai ma complainte aujourd’hui par un vers de celle du juif errant.