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gigantesque comme impraticable ; les autres comme inévitable et devant s’accomplir par des moyens analogues à ceux qui ont conduit Alexandre aux rives du Sutledge et les conquérans musulmans au cœur de l’Hindoustan. Napoléon, aux trois grandes phases de sa vie politique, général, premier consul, empereur, avait rêvé la conquête de l’Hindoustan. Jusqu’en 1813 et pendant les conférences de Prague, il s’occupait de la possibilité d’attaquer les Anglais dans leur empire d’Asie, et le duc de Bassano, alors son ministre des affaires étrangères, recueillait, pour les lui soumettre, les renseignemens les plus précis que les voyageurs pussent fournir sur cette grande question. Napoléon n’est plus, et le monde a changé de face. Les moyens d’attaque et de défense se sont égalisés ; les nations cherchent dans des luttes d’intelligence et d’industrie des résultats plus complets et plus durables que ceux qu’elles devaient autrefois au hasard des batailles. Il y a donc ici encore une question préalable, c’est celle de l’opportunité. La Russie a-t-elle en ce moment, aura-t-elle d’ici à long-temps un intérêt véritable à menacer les possessions anglaises dans l’Inde ? Nous ne le croyons pas ; mais, en supposant même qu’elle eût conçu le projet formel de substituer au moins en partie sa domination et son influence à la domination et à l’influence britanniques, nous sommes convaincu que les moyens d’exécution d’un semblable projet ne sauraient être réunis avant plusieurs années, et au nombre de ces moyens d’exécution nous n’hésiterions pas à placer, comme condition indispensable de succès, une alliance qui, dans l’état actuel de l’Europe, est impossible, ou du moins on ne peut plus improbable. Mais, en dehors de ces éventualités conjecturales, il y a des droits évidens, des intérêts actuels, qui peuvent et doivent trouver leur satisfaction. La Russie, par sa position géographique, est, de tous les états du continent, celui qui semble destiné plus particulièrement à servir d’entrepôt au commerce de l’Europe avec l’Asie centrale. Le principal obstacle qui s’oppose au développement de ce commerce est l’insociabilité des peuplades asiatiques voisines de la Russie. Cette puissance a un intérêt immédiat à changer le plus promptement possible un état de choses dont elle souffre dans le présent, et qui entrave évidemment son avenir.

    diverses tribus ont reconnu de temps à autre la suzeraineté douteuse, les uns de Hérat, les autres du roi de Kaboul, quelques-unes celle de la Perse. Les Eimâks comme les Hazaréhs sont musulmans ; ils parlent un dialecte persan ; les premiers sont Sounis, les seconds Shias : de là haine mutuelle et guerre à mort entre ces deux peuplades retranchées dans leurs montagnes inaccessibles.