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L’HINDOUSTAN. — AFFAIRES DE CHINE.

mais si cet obstacle disparaissait, nous verrions alors les traits plus aimables du caractère chinois dans leur véritable jour.

« Je conclurai en racontant une anecdote relative à un Chinois de mes amis, anecdote qui se rapporte jusqu’à un certain point aux troubles récens et qui lui fait tellement honneur, que j’ai grand plaisir à la rappeler. Cet homme était un très honorable et très intelligent marchand de soieries qui faisait fréquemment le commerce de l’opium. En 1837, il avait pris des engagemens avec notre maison pour livrer, l’année suivante, des soieries à un prix fixé, et avait reçu une somme considérable d’argent en avance. Quand les troubles commencèrent, le nom de mon ami parut sur le livre noir du gouverneur, parmi ceux des principaux spéculateurs en opium, et une forte récompense fut promise pour son arrestation. La saison avançait, et nous n’entendions pas parler de lui ; en même temps, le prix des soieries avait haussé, de sorte qu’il n’eût pu remplir son engagement qu’en subissant une perte de 15 pour 100. Je dois avouer que, dans ces circonstances, nous n’avions que peu d’espoir de revoir notre soie ou notre argent, lorsqu’une nuit, en décembre 1838, au moment où la persécution de tous ceux qui étaient enveloppés dans l’affaire de l’opium était à son apogée, un Chinois vint me trouver et m’annonça que mon ami était à Canton et désirait me parler. Je l’accompagnai à une petite boutique chinoise où je trouvai mon ami. Il me dit : « Je suis venu à Canton au péril de ma vie, pour remplir mes engagemens envers vous et envers messieurs… Les soieries que je vous ai promises sont entre les mains d’un tel. Il faut que vous preniez des arrangemens pour les faire passer par l’entremise d’un marchand hong sans m’exposer, car, si elles sont saisies, ma mort est certaine. Si elles ne sont pas d’aussi belle qualité que celles que j’avais promises, mon ami en a davantage à votre disposition ; vous pourrez choisir ce que vous voudrez, et je paierai, s’il y a lieu, la différence en valeur. » J’avoue que je fus vivement touché de cette conduite si honorable, et je le pressai fortement de ne pas perdre un instant pour retourner dans le lieu qui lui servait d’asile et qui se trouvait dans une province éloignée. Le lendemain, je vis le Chinois auquel il m’avait adressé, et je reçus de lui toute la soie qu’il devait me remettre et qui se trouva de la plus belle qualité. Je suis heureux de pouvoir dire que mon ami échappa aux griffes de l’inquisition chinoise, et qu’il était en sûreté d’après les derniers avis que j’ai reçus.

« Un trait pareil fait également honneur à l’individu et à la nation, et je crois fermement que de tels hommes sont nombreux en Chine. Que nous obtenions seulement liberté et sûreté dans nos relations avec la Chine, et les deux peuples en retireront de grands avantages. »


Nous pensons, avec M. Lindsay, qu’il est à désirer que les relations de l’Angleterre avec le céleste empire prennent un caractère de dignité, de libéralité et de justice qu’elles n’ont pas eu jusqu’à ce