de cette femme et achetées avec empressement, elles assurèrent l’existence de sa malheureuse famille. On y lisait :
« Elle a épargné pour acheter du lin, elle a veillé durant les nuits et filé le lin, le tisserand en a fait de la toile, elle a pris les ciseaux et l’aiguille, de sa propre main elle a cousu son linceul sans tache comme elle.
« Son linceul lui est cher, elle le garde avec soin, c’est l’unique trésor qu’elle ait au monde ; elle s’en revêt le dimanche pour aller entendre la parole de Dieu ; au retour, elle le serre précieusement jusqu’à ce qu’on vienne la chercher pour l’ensevelir.
« Moi, au déclin de mes jours, puissé-je, comme cette pauvre femme, avoir rempli tous mes devoirs, avoir vécu comme elle, et pouvoir trouver la même joie dans mon linceul ! »
Pieuses et graves paroles auxquelles je me garderai d’ajouter aucune réflexion. Il n’en est point qui n’affaiblît l’effet de cette prière de l’homme de talent demandant à Dieu, après une vie tourmentée, de mourir comme la vieille indigente à laquelle il donnait la touchante aumône de ses vers. Puisse Dieu avoir exaucé le vœu du poète, et avoir envoyé les joies du linceul à celui qui avait eu si peu de joies sur la terre !