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REVUE. — CHRONIQUE.

La chambre des pairs a élaboré avec soin deux lois importantes, celle sur les ventes d’immeubles par voie de justice, et celle sur les expropriations pour cause d’utilité publique.

Si la première ne fait pas au pays tout le bien qu’il pouvait en attendre, c’est que la chambre se trouvait, dans son travail, entravée par le système hypothécaire en vigueur, système imparfait, dangereux, et qu’on s’empresse de corriger dans tous les pays qui ont d’ailleurs adopté notre Code civil. Le gouvernement n’a pas osé suivre l’ordre logique des idées et présenter la réforme du système hypothécaire avant celle des lois de procédure qui s’y rattachent. Les difficultés de ce travail, qui, nous le reconnaissons, sont très grandes, l’ont effrayé. Toujours est-il que tous les projets, toutes les théories qu’on met en avant dans le but de diriger les capitaux vers le sol, de donner à notre agriculture les moyens qui lui manquent, ne seront que des chimères tant que les propriétaires fonciers ne trouveront pas dans un bon système hypothécaire un puissant moyen de crédit. Jusque-là les capitaux s’éloigneront d’eux, ou ils ne pourront les attirer qu’en compensant les risques des prêteurs par des intérêts ruineux.

La loi sur les expropriations pour cause d’utilité publique a reçu d’utiles modifications. Ce qu’on peut craindre, c’est que tout ce qu’on propose de gagner en rapidité et par la simplification des formes ne soit gagné aux risques et périls des créanciers ayant droit sur les biens expropriés. Il n’y avait qu’un moyen de concilier les intérêts opposés. C’était d’établir comme règle ce que la chambre n’a pas même accordé comme exception, je veux dire la prise de possession des terrains nécessaires aux travaux, dès que l’état aurait déposé une somme plus que suffisante au paiement du prix et des revenus. En transportant alors sur la somme déposée tous les droits qui étaient assis sur le sol, on aurait pu observer toutes les formes et les délais convenables et pourvoir également aux intérêts des propriétaires et à ceux de leurs créanciers et de tous autres intéressés. Sans cela on ne conciliera jamais d’une manière tout-à-fait satisfaisante la rapidité des travaux et le prompt emploi des capitaux avec la protection qui est due à tous les droits adhérens à la propriété.

La chambre des pairs, après avoir élaboré avec le soin et la maturité qu’on lui connaît ces lois importantes, s’est occupée hier de la loi des rentes, en procédant dans ses bureaux à la nomination de la commission. Il n’y a pas, dit-on, dans la commission nommée, un seul partisan de la mesure. Ceux qui n’en contestent pas le droit en contestent l’opportunité. Ce résultat, fort naturel, et qui n’a surpris personne, ôte au travail de la commission, composée d’ailleurs d’hommes les plus distingués à des titres divers, une partie de son importance. Il ne peut s’établir de débat sérieux entre des hommes qui sont au fond tous du même avis. Les uns, il est vrai, reconnaissent à l’état le droit de rembourser que d’autres lui refusent ; mais, comme la chambre ne vote pas sur des principes abstraits, ce débat spéculatif ne peut être bien vif dans le sein d’une commission, unanime d’ailleurs à proposer le rejet pur et simple de la loi.