vens, casernes… marchés pleins de peuple et de bruit… — Au centre, la grande cathédrale gothique, avec ses hautes flèches tailladées en scies ; sa large tour du bourdon, ses cinq portails brodés de bas-reliefs… — Et à l’autre bout de la ville, cachée dans les sycomores, la mosquée orientale, aux dômes de cuivre et d’étain, avec son jour d’en haut, ses grêles arcades, ses versets du Coran sur chaque porte, et la mosaïque de son pavé et la mosaïque de ses murailles… »
Le premier tort de cette théorie, où un si vif amour de l’image éclate à côté de tant d’indifférence pour l’idée, est d’avoir été placée à la tête d’un recueil lyrique. Dans une épopée, dans un drame, dans un roman, on conçoit que toutes les croyances, tous les systèmes puissent trouver naturellement des organes et se mouvoir sans confusion. Il est possible que le spectacle complexe et la confusion pittoresque d’une grande cité du moyen-âge soient un symbole applicable à une large épopée. Il faut pardonner au peintre de ne se priver d’aucun de ses moyens d’effet. Mais la composition lyrique a d’autres lois. Une œuvre où ne figure qu’un seul acteur, le poète, et d’où ne peuvent sortir qu’une seule voix et une seule pensée, la voix et la pensée du poète, ne saurait admettre des convictions contradictoires, des processions de foi opposées, l’Évangile et le Coran, le panthéisme et le spiritualisme, la foi et le doute. Passe encore si ces contradictions se produisaient, comme dans les Chants du crépuscule, sous la forme d’un scepticisme individuel mêlé d’espoir, image du scepticisme général de notre époque. Il y a une sorte d’unité dans le scepticisme ; c’est la négation de tous les systèmes ; ce n’est pas, comme dans les Rayons et les Ombres, la glorification simultanée de toutes les croyances, le tout est bien, de Candide appliqué à toutes les doctrines possibles, à tous les systèmes.
Dans la préface du présent recueil, M. Hugo a formulé de nouveau sa théorie favorite d’encyclopédisme et d’universalité poétique, mais dans des termes plus mesurés, et, je le reconnais, plus admissibles, même au point de vue lyrique. « L’auteur, dit-il, pense que tout véritable poète, indépendamment des pensées qui lui viennent de son organisation propre et des pensées qui lui viennent de la vérité éternelle, doit contenir la somme des idées de son temps. » — Oui, sans doute, mais une condition expresse, c’est que le poète séparera soigneusement les pensées qui viennent de son organisation et surtout de la vérité éternelle, de celles qui ne sont que le retentissement des erreurs du passé ou des agitations contemporaines. M. Hugo a l’in-