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time conviction d’avoir rempli cette condition, et au-delà. « L’auteur, dit-il, à chaque ouvrage nouveau qu’il met au jour, soulève un coin du voile qui cache sa pensée, et déjà peut-être les esprits attentifs aperçoivent-ils quelque unité dans cette collection d’œuvres au premier aspect isolées et divergentes. » Si nous comprenons bien ces paroles, l’auteur se félicite d’apporter une solution ou du moins quelque commencement de solution aux grands problèmes qui agitent la société. On pense bien, d’après ce que nous venons de dire, qu’au milieu des lambeaux de doctrines qui colorent alternativement et indifféremment les vers du poète, nous avons en vain cherché cette pensée qu’il croit avoir produite. Nous avions imaginé que peut-être l’auteur avait gardé ce mot tant promis et enfin découvert pour la dernière pièce de son recueil, intitulée Sagesse. Ce petit poème est en effet particulièrement dogmatique ; l’auteur fait parler les trois grandes voix qu’il reconnaît toutes trois pour ses guides ; la première est le christianisme orthodoxe et rigide, la seconde le déisme philosophique et tolérant, la troisième le pur panthéisme ; nous espérions qu’à ce moment suprême le poète allait déchirer le voile et nous apprendre enfin comment de ces trois voix peut sortir une idée commune et jaillir une vérité nouvelle. Malheureusement M. Hugo s’est contenté de tracer les vers suivans pour toute conclusion :

Et de ce triple aspect des choses d’ici-bas,
De ce triple conseil, que l’homme n’entend pas,
Pour mon cœur où Dieu vit, où la haine s’émousse,
Sort une bienveillance universelle et douce
Qui dore, comme une ombre, et d’avance attendrit
Le vers qu’à moitié fait j’emporte en mon esprit,
Pour l’achever aux champs avec l’odeur des plaines
Et l’ombre du nuage et le bruit des fontaines.

Voilà de quelle façon M. Hugo soulève, suivant sa promesse, le voile qui enveloppait sa pensée. En vérité, il nous permettra de lui dire, comme le vieux monarque avec lequel il causait aux Tuileries le 9 août 1829 : Ô poète !

La préface de ce nouveau volume, puisque nous l’avons citée, est, sans comparaison, la partie la plus faible et la plus défectueuse du livre. Obscurité, lieux communs, prétentions creuses, tels sont les défauts accumulés dans ces douze pages, et que rien, absolument rien, ne compense. Ce qu’on y aperçoit de moins obscur, c’est, comme dans la première pièce, intitulée Fonction du poète, la revendication