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croyances et des lois ; et ce trône, élevé par l’impérieuse puissance des choses qui force les volontés elles-mêmes, cimenté par l’adhésion la plus éclatante qu’ait jamais donnée un grand peuple, ce trône, radieux de l’éclat d’une gloire incomparable, consacré par la religion dans ses plus augustes solennités et les plus mystérieuses expansions de sa puissance, n’aurait pas été légitime ! Que faut-il donc de plus, grand Dieu ! pour consacrer l’union des pouvoirs et des peuples ? et devant de telles manifestations est-on admis à scruter les généalogies ou bien à compter un à un les suffrages populaires pour douter d’une majorité au sein de la volonté nationale ?

Étranges métaphysiciens qui, partant des prémisses les plus opposées, aboutissent à des conclusions analogues ; argumentateurs sans intelligence qui dissertent à perte de vue sur l’origine du pouvoir, attribuant au fait seul de la naissance, ou à celui d’une majorité toute numérique, une autorité absolue que l’histoire et la conscience des peuples a constamment déniée : l’hérédité est sans nul doute le mode le plus avantageux de transmission pour la puissance publique ; mais c’est à condition que les intérêts nationaux resteront identifiés avec une dynastie. Sous certaines constitutions, la nation peut également être consultée par la voie élective ; mais le titre du pouvoir y reposera bien moins, quoi qu’on puisse penser, sur l’adhésion d’une majorité mobile et passionnée, que sur la conformité des actes de ce pouvoir lui-même aux lois immuables de l’ordre moral et aux intérêts permanens de la nationalité qu’il représente. Les institutions ne créent pas plus le droit que les écoles de philosophie ne font la vérité ; l’un et l’autre se manifestent dans le monde par ces signes éclatans qui forcent l’adhésion des intelligences et des volontés.

Or, qui porta jamais plus que Napoléon la légitimité de son titre écrite sur son front, légitimité incontestable autant qu’incontestée, que les temps seuls avaient faite, et dont il est difficile de voir arguer aujourd’hui sans sourire, au nom d’on ne sait quel sénatus-consulte, et au profit d’on ne sait quelles prétentions ?

La monarchie de 1830 a osé regarder en face les reliques de Napoléon, et se charger du soin de ses funérailles. La réhabilitation de Versailles appelait celle des Invalides, et les cendres du triomphateur devaient avoir un tombeau, du jour que ses victoires étaient rendues à l’enthousiaste admiration de la multitude. Se croire assez fort pour absorber dans son sein toutes les gloires de la France est une pensée qui prête par elle-même quelque force, alors même qu’elle préparerait aussi le danger de quelques épreuves. Cette force ne saurait man-