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REVUE. — CHRONIQUE.

sait que sa prospérité, sa force, son avenir, exigent le maintien, pour long-temps encore, de la paix générale.


Revue Musicale.

L’Opéra-Comique a pris demeure à la salle Favart, et l’on peut dire que le genre national s’est bâti là un fort magnifique palais, trop magnifique peut-être, car au milieu de tant de soie, de lumière et d’or, au milieu de ce luxe oriental et de cette sonorité plus vaste, toutes ces petites passions, tous ces petits airs, toutes ces petites voix surtout semblaient confuses, et faisaient le premier jour une assez pauvre mine. Heureusement, dès le lendemain, Zanetta est venue en aide au répertoire ; Zanetta, un de ces petits chefs-d’œuvre comme M. Auber, M. Scribe et Mme Damoreau en inventent seuls, une partition toute resplendissante de perles de mélodie, de paillettes d’esprit, de costumes de cour brodés d’or, et comme disposée à souhait pour la circonstance.

En inaugurant la nouvelle salle par le Pré-aux-Clercs, l’Opéra-Comique a voulu rendre un hommage bien légitime à la mémoire d’Hérold. Hérold, si l’on y pense, est l’un des jeunes maîtres qui ont le plus contribué à l’illustration de l’école française. Contemporain de Boïeldieu et d’Auber, il garde sur le chantre mélodieux de la Dame blanche et des Deux Nuits une incontestable supériorité dans le développement instrumental, et, s’il lui manque un peu de cette verve intarissable, de cette inspiration de toutes les heures et presque volontaire, qui fait de M. Auber un génie singulier, il a rencontré dans la plupart de ses partitions, dans Marie, dans Zampa, dans le Pré-aux-Clercs, des idées qui, pour la grace, la distinction, le tour original, ne le cèdent en rien aux motifs les plus heureux de la Muette, de Gustave ou du Domino noir. À l’étranger, Hérold est, avec M. Auber, le maître qu’on affectionne le plus ; les Napolitains ont accueilli Zampa avec enthousiasme, il est vrai que Lablache jouait Zampa ; et, tandis que les coryphées d’une école que nous avons vue avorter prétendent chez nous si plaisamment qu’il n’y a point de musique française, à Francfort, à Dresde, à Berlin, on ne chante, on n’aime, on n’applaudit que l’Ambassadrice, la Muette, la Dame blanche ou Zampa. Non que les Allemands traitent avec ingratitude les chefs-d’œuvre de leurs grands maîtres ; en fait de chefs-d’œuvre, les Allemands se souviennent : ils professent le même culte pour Oberon, Fidelio, ou la Flûte enchantée, que pour Egmont, Faust, ou les Brigands, ce qui ne veut pas dire qu’on joue plus souvent sur leurs théâtres Faust que Fidelio, Egmont que la Zauberflœte. S’ils affectionnent à ce point la musique italienne et française, c’est tout simplement qu’ils savent par cœur les chefs-d’œuvre de Beethoven et de Weber, et que ce qui se fait aujourd’hui chez eux ne les tente guère. En musique, l’Allemagne vit dans notre présent, mais sans abdiquer son passé, tout simplement parce qu’elle