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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

étaient les publicistes quand ils voulaient la rattacher aux différentes formes politiques qui avaient des noms dans l’école. C’était, suivant les uns, une monarchie tempérée, suivant les autres, une monarchie mixte, ou bien encore une république aristocratique ; les plus hardis l’appelaient un gouvernement monstrueux qu’on ne pouvait classer dans aucune catégorie. En effet, les mots de monarchie ou de république indiquent une unité nationale, une force centrale quelconque, une action commune, toutes choses qui n’existaient réellement pas dans la constitution germanique. L’empereur, enchaîné par les capitulations, n’avait hors de ses états héréditaires aucune des prérogatives que possède le souverain dans les monarchies les plus limitées. La diète, toute puissante en théorie, était organisée de manière à ce que tous ses mouvemens fussent paralysés. Réduite à s’occuper d’affaires subalternes, elle avait perdu successivement toutes ses attributions politiques, et ce n’était plus qu’un fantôme d’assemblée nationale qui, dans le coin où elle était reléguée, n’attirait les regards de personne. Tout ce qui émanait de l’ensemble du corps germanique, tout ce qui était censé représenter un effort commun et tendait à maintenir un lien entre les différentes parties, portait le même caractère de décrépitude et d’impuissance. Les impôts d’empire n’étaient pas payés ; l’armée d’empire était un sujet de risée ; les tribunaux d’empire avaient vu leur juridiction resserrée dans d’étroites limites par les priviléges des princes, et, quoiqu’ils marchassent encore, ils n’étaient plus que l’ombre de ce qu’ils avaient été. Pendant que le corps dépérissait, les membres s’étaient agrandis outre mesure, et chacun tirait à soi. L’Autriche et la Prusse, à la fois puissances allemandes et puissances européennes, ne se disputaient la prépondérance en Allemagne que pour augmenter leur influence dans les affaires générales de l’Europe. Les autres états cherchaient, à leur exemple, à augmenter leur importance, et se mêlaient pour cela à toutes les intrigues intérieures et extérieures, ce qui n’aboutissait le plus souvent qu’à faire de l’Allemagne le champ de bataille universel. Les inimitiés des princes, en se communiquant aux peuples, semblaient avoir éteint chez eux le sentiment de la nationalité, auquel la réforme et la guerre de trente ans avaient porté un coup si terrible, que les Allemands, habitués à combattre les uns contre les autres, ne donnaient même pas à leurs querelles le nom de guerres civiles. Indépendamment du mur de séparation élevé par la religion entre les protestans et les catholiques, les Autrichiens haïssaient les Bavarois, les Saxons détestaient les Prussiens ; l’hostilité, ou tout au