Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/939

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
935
ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

de vivres rendirent désastreuse pour les troupes prussiennes[1]. Au moment où Frédéric-Guillaume repassait la frontière et rentrait dans le Luxembourg, les Français, appelés par les révolutionnaires des bords du Rhin, envahissaient le Palatinat sous les ordres de Custine, et la trahison leur livrait Mayence, l’un des principaux boulevards de l’empire germanique. Quelques jours plus tard, Dumouriez, libre de porter toutes ses forces sur les Pays-Bas, battait les Autrichiens à Jemmapes, et la Belgique soulevée se livrait à lui tout entière. La république avait été proclamée à Paris le lendemain du combat de Valmy, et le procès de Louis XVI commençait au moment même où se livrait la bataille de Jemmapes.

Les résultats inattendus de la campagne de 1792 fortifièrent la révolution en France, et commencèrent à décourager ses adversaires ; mais la convention, enivrée de ses succès, jeta le gant à l’Europe par son fameux décret du 19 novembre, où elle offrait son secours à tous les peuples qui se révolteraient contre leurs gouvernemens, et par celui du 15 décembre, qui ordonnait l’incorporation des pays conquis à la république. Elle mit bientôt le comble à ces audacieuses provocations en faisant tomber la tête de Louis XVI. Alors il se forma entre toutes les puissances européennes une ligue dont l’Angleterre devint l’ame, ligue qui n’eut plus pour but, comme la coalition de 1792, le rétablissement de l’ordre en France, mais la restauration du vieil équilibre européen, renversé par les conquêtes de la république, et la défense de tous les trônes menacés par les éruptions du volcan révolutionnaire. Tout le poids de la guerre tomba encore sur l’Autriche et sur la Prusse, ayant cette fois l’Angleterre pour trésorière et la Russie pour arrière-garde. L’Autriche se prépara à reconquérir les Pays-Bas et à prendre vigoureusement l’offensive ; la Prusse, qui avait une partie de ses forces occupée en Pologne, se chargea seulement de préserver l’Allemagne. Il fut convenu que les armées des deux puissances agiraient séparément, et n’obéiraient qu’à leurs propres chefs : c’était enlever aux opérations militaires l’unité dont elles auraient eu besoin, et préparer des divisions qui, en effet, ne tardèrent pas à éclater. Quant à l’empire germanique, il y avait une telle lenteur dans les mouvemens de ce corps décrépit, que sa déclaration de guerre à la France ne fut faite que six mois après la violation de son territoire et la prise de Mayence. Les états

  1. Voyez sur la campagne de 1792 les détails curieux donnés dans les Mémoires tirés des papiers d’un homme d’état, tom. I et ii.