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d’empire, à peu d’exceptions près, mirent très peu de zèle à fournir leurs contingens ; la plupart firent preuve d’une mauvaise volonté évidente, et ne furent décidés à faire quelques efforts que par les subsides de l’Angleterre. L’électeur de Bavière, le prince le plus puissant de l’Allemagne après l’empereur et le roi de Prusse, se distingua par son apathie égoïste et son indifférence marquée pour la cause commune. Dès l’an 1793, il essaya de se retirer du combat et d’obtenir sa neutralité par un arrangement avec la république.

La campagne de 1793 commença malheureusement pour la France. Une seule bataille lui enleva la Belgique, qu’une seule bataille lui avait donnée l’année précédente. Dumouriez vaincu échoua dans une tentative qui n’aurait peut-être pas réussi à un chef victorieux, celle de soulever ses soldats contre la convention : il fut obligé de s’enfuir pour échapper à la guillotine. Le prince de Cobourg, général autrichien, au lieu de profiter du désordre où cette défection avait jeté l’armée républicaine pour s’avancer hardiment au cœur de la France, s’amusa à une guerre lente et méthodique, qui laissa à la convention le temps de se reconnaître. Elle employa toutes les ressources de sa sanglante dictature pour jeter à la frontière tous les hommes en état de porter les armes, réduits à chercher dans les camps un asile contre l’échafaud. La levée en masse fournit des soldats, l’emprunt forcé et les confiscations fournirent de l’argent ; les généraux, surveillés par des représentans et menacés de la guillotine, contre laquelle la victoire même n’était pas toujours une défense, furent poussés à des efforts désespérés ; le génie de Carnot donna à la guerre une direction toute nouvelle, qui déconcertait la tactique routinière des généraux ennemis ; enfin l’énergie sauvage du comité de salut public fit face à tous les dangers qui menaçaient la république au dedans et au dehors, et communiqua aux armées françaises une fureur belliqueuse que les défaites même semblaient exalter encore. À la fin de 1793, les coalisés n’avaient obtenu en Flandre que des résultats sans importance, tandis que sur la frontière d’Allemagne leurs premiers succès avaient été suivis de revers inattendus. L’Alsace avait été délivrée et le Palatinat reconquis ; les Autrichiens avaient repassé le Rhin à Philisbourg, et les Prussiens s’étaient retirés sous le canon de Mayence. En présence de l’unité vigoureuse imprimée aux motivemens des armées républicaines, il n’y avait dans les conseils des alliés, que divisions, jalousies et incertitudes. Les vues égoïstes et intéressées s’étaient trahies : l’Autriche, en laissant voir l’intention de reprendre à la France les conquêtes de Louis XIV, avait excité la